Draghi encourage une pensée alternative
Hier, les PMI relatifs à l'UEM ont adressé une sérieuse mise en garde par rapport à l'économie. Dans un passé un peu plus lointain, de tels chiffres poussaient les analystes à pointer l'existence de "stabilisateurs automatiques". L'économie dispose (disposait?) de mécanismes internes permettant d'amortir l'impact d'un recul cyclique. Avec un déficit budgétaire provisoirement plus élevé et une petite pointe d'assouplissement monétaire (si l'inflation le permettait évidemment), on pouvait toujours s'en sortir.
La situation a fortement changé depuis lors. À "chaque" recul de l'économie, qu'il soit structurel ou cyclique, des voix s'élèvent pour que des mesures de stimulation, surtout monétaires, soient prises. Depuis la crise, les banques centrales ont très souvent répondu à cet appel. Elles se disent d'ailleurs encore prêtes à intervenir si nécessaire. Mais les discussions qui ont, par exemple, eu lieu au sein de la BoJ la semaine passée montrent que les banques hésitent aujourd'hui à épuiser leur dernière cartouche monétaire, d'autant plus que les effets secondaires de ces mesures (sur l'épargnant et d'autres secteurs de l'économie, entre autres) sont de plus en plus pointés du doigt.
Hier, le président de la BCE, Mario Draghi, s'est exprimé devant le Parlement européen. À quelques jours de son départ, il a en quelque sorte livré ses "mémoires monétaires" aux politiques. Outre ses commentaires sur les dernières mesures prises par la BCE, il a de nouveau plaidé en faveur d'une relance budgétaire. Il a même conseillé à la BCE d'examiner attentivement des idées alternatives, comme notamment la théorie monétaire moderne (MMT en anglais). En simplifiant, la MMT prévoit que les politiques monétaire et budgétaire soient plus intégrées, voire qu'elles soient considérées comme un tout. Avec ce type de raisonnement, le financement des dépenses publiques par la banque centrale ne poserait en soi aucun problème, dans la mesure où cela ne fait pas déraper l'inflation.
La mise en œuvre de ce type de théories "alternatives", dans une forme allégée dans un premier temps, ne se ferait pas sans mal. Mais nous continuerons de suivre ce débat avec attention. Pourquoi, en tant qu'autorité, ne serait-il pas possible d'essayer de sortir du cadre budgétaire classique et de financer (in)directement certaines mesures environnementales (ou d'autres besoins sociétaux évidents) à partir du bilan de la banque centrale? Cela paraît impensable aujourd'hui. Mais cela l'était aussi pour le QE de la BCE en 2013. Et voyez où nous en sommes aujourd'hui.
Il est toujours dangereux d'utiliser ce type de tendances à long terme pour tenter de comprendre des évolutions de marché à court terme. Mais nous pouvons toutefois assembler quelques pièces du puzzle. De plus en plus de facteurs économiques et sociétaux plaident en défaveur de nouvelles baisses de taux par la BCE ou d'autres banques centrales. La fonction de réaction des taux à une plus grande intégration des politiques budgétaire et monétaire est également loin d'être claire. Pourtant, cette approche devrait permettre d'atteindre plus facilement l'objectif d'inflation. Cela ne plaide au moins pas pour des taux bas plus extrêmes. D'un autre côté, l'intégration des politiques budgétaire et monétaire réduit le risque d'un défaut de paiement de l'État, ce qui, en principe, entraîne une diminution de la prime de risque de crédit. Pour le moment, il ne s'agit que d'une réflexion hypothétique dans un contexte mouvant. Nous pensons toutefois que la possibilité que les taux descendent encore à des niveaux plus extrêmes diminuera à mesure que le marché prendra au sérieux le scénario d'une relance budgétaire. En tant qu'observateurs du marché, nous sommes évidemment bien conscients du risque d'avancer une telle affirmation alors que les taux affichent une forte tendance baissière depuis des années.