Les marchés des taux sonnent l'alarme
Le mois passé a été particulièrement chahuté sur les marchés des taux. Les principaux taux européens et américains ont perdu de 50 à 60 points de base. Les obligations souveraines de pays tels que l'Allemagne ou les Pays-Bas affichent désormais toutes un rendement négatif et se trouvent à des planchers historiques. En Belgique, les taux sur les échéances allant jusqu'à 7 ans sont également passés sous la barre de 0%. Les courbes des taux aux États-Unis et au Royaume-Uni se sont inversées entre les échéances à 2 ans et à 10 ans. Les taux à court terme sont donc supérieurs aux taux à long terme. Le signal envoyé par les marchés des taux est on ne peut plus clair: le ralentissement de la croissance (mondiale) est en train de se transformer en récession. Cela fait déjà quelque temps que nous assistons à une croissance à deux vitesses, la bonne tenue des secteurs des services intérieurs masquant la faiblesse des secteurs industriels tournés vers l'exportation. On a longtemps pensé que le secteur des services serait capable de compenser un coup de mou passager dans l'industrie. Maintenant que la contraction a pris un caractère permanent au niveau de l'industrie, on craint également pour le secteur des services.
Le spectre de la récession est un thème dominant sur les marchés. Seule une amélioration durable des chiffres économiques ou une posture plus transparente des banques centrales pourrait faire évoluer les choses. Les obligations d'État allemandes ou américaines mises à part, ce thème a profité à des valeurs refuges comme le yen japonais, le franc suisse ou l'or. Le cours EUR/USD apparaît comme un havre de paix malgré une volatilité accrue, mais nous continuons de penser que les États-Unis sont les mieux placés pour obtenir, à terme, une monnaie plus faible....
Le ralentissement de la croissance a entraîné une révision des prévisions concernant la politique des banques centrales. Pour la BCE, le marché table sur au moins deux baisses du taux de dépôt de 10 points de base d'ici à la mi-2020. Le taux de dépôt devrait donc s'élever à -0,6% à ce moment-là. Nous nous sommes encore récemment interrogés sur l'efficacité de telles mesures. S'il faut en croire les membres de la BCE, la banque ne devrait pas se contenter d'abaisser ses taux en septembre. Elle pourrait, entre autres, également modifier sa "forward guidance", procéder à de nouveaux achats d'actifs ou mettre en place un système de taux de dépôt différencié. Le procès-verbal de la dernière réunion de la banque, qui sera publié cet après-midi, pourrait déjà permettre d'y voir plus clair. Aux États-Unis, la Fed a été dépassée par la réalité économique et les marchés. En juillet, la banque centrale américaine a abaissé son taux directeur tout en soulignant qu'il s'agissait d'un ajustement ponctuel de milieu de cycle. Demain, son président, Jerome Powell, prononcera un important discours lors du symposium de Jackson Hole. Nous pensons qu'il devrait à cette occasion changer son fusil d'épaule. La politique de normalisation sera probablement définitivement enterrée et remplacée par une déclaration d'intention dans laquelle la Fed s'engagera à protéger l'économie des chocs. Le procès-verbal de la réunion de la Fed publié hier est à cet égard intéressant. Un examen du cadre monétaire de la Fed mené en interne est notamment arrivé à la conclusion que la banque pourrait, à l'avenir, plus facilement recourir à des mesures non conventionnelles, comme une politique de communication autour de taux ou des achats d'actifs, grâce aux enseignements tirés durant les années qui ont suivi la crise. Le marché table pour le moment toujours sur de nouvelles baisses de taux. La probabilité de trois assouplissements consécutifs en septembre, octobre et décembre est actuellement estimée à 50%.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC