Les investisseurs aiment de moins en moins l'Italie
Hier, la Commission européenne a posé la première pierre en vue d'une procédure de déficit excessif à l'encontre de l'Italie. Cela n'a rien de surprenant. Le gouvernement italien a en effet refusé de modifier sa proposition de budget pour 2019, malgré les mises en garde de l'Union européenne. Le mécanisme disciplinaire devrait faire grimper la pression d'un cran, dans l'espoir que les Italiens finissent par mettre un peu de "acqua" dans leur "vino". Reste à voir si le gouvernement italien y sera disposé, alors que les deux parties campent actuellement sur leurs positions.
Maintenant que le feu vert a été donné au lancement d'une procédure de déficit excessif, le Comité économique et financier (CEF), organe composé de hauts fonctionnaires des États membres de l'Union, dispose d'un délai de deux semaines pour rendre un avis officiel. En cas d'avis "positif", la balle reviendra dans le camp des ministres européens des Finances. L'ECOFIN devra ensuite voter. Si une majorité qualifiée (55% des États membres représentant au moins 65% de la population de l'UE) est atteinte, la procédure pourra être lancée. L'Italie pourrait alors être placée sous ce régime en janvier 2019 au plus tôt. Le pays aura alors trois à six mois pour se conformer aux nouvelles recommandations et aux nouveaux objectifs qui lui sont imposés. Des sanctions sont également prévues, et notamment une amende pouvant aller jusqu'à 0,2 % du PIB. Les sanctions seront mises en œuvre si aucun effort n'est constaté après six mois, soit au plus tôt en juin. Après les élections européennes de mai donc.
La Commission européenne est partagée entre deux sentiments. Si elle réagit trop mollement à la proposition de budget de l'Italie, elle remettra en cause l'intégrité des règles budgétaires européennes. Mais si elle réagit trop durement, elle risque d'apporter de l'eau au moulin des eurosceptiques comme le vice-Premier ministre italien Salvini ou la française Marine Le Pen alors que des législatives européennes sont prévues l'année prochaine. Tant la Ligue de Salvini que le Mouvement 5 étoiles de Di Maio espèrent voir leur présence, et celle d'autres partis europhobes, renforcée au Parlement européen. Cela pourrait pousser l'Europe à mettre de l'eau dans son vin. Salvini a d'ores et déjà annoncé sa volonté de se présenter aux élections parlementaires européennes. Une victoire politique au niveau européen ne résoudra naturellement pas les problèmes économiques sous-jacents. Si le gouvernement table toujours sur une croissance de 1,5% en 2019, d'autres instances se montrent moins optimistes. L'institut italien des statistiques estime pour sa part que le croissance devrait être légèrement inférieure à 1,3%. Et le FMI est encore plus pessimiste, avec une prévision de 1,0%. Le taux de croissance qui vient d'être publié pour le troisième trimestre (0,0% en glissement trimestriel) n'augure d'ores et déjà rien de bon.
Toutefois, ce sont, comme souvent, les marchés financiers qui auront le dernier mot. Salvini et Di Maio pourront poursuivre leur stratégie tant que les taux italiens n'auront pas atteint des niveaux intenables. Mais la situation commence tout de même à se dégrader. Les investisseurs, tant italiens qu'étrangers, évitent de plus en plus les obligations transalpines. Depuis l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement, les investisseurs étrangers se sont déjà délestés de quelque 69 milliards d'euros d'emprunts italiens. Et les Italiens souhaitant participer au financement de leur propre dette publique se font également plus rares. Ainsi, la nouvelle émission lancée en début de semaine n'a attiré que 723 millions d'euros en deux jours, alors que 3,7 milliards d'euros avaient pu être levés lors d'une émission précédente. Une tendance qui a de quoi inquiéter alors que la BCE abandonne petit à petit son rôle de principal acheteur d'obligations publiques italiennes.