La réforme du mes renforce l’union bancaire européenne

Opinion économique

Fin 2020, l’Eurogroupe a approuvé une réforme du mécanisme européen de stabilité  (MES). Cela permettra au MES d’agir en tant que filet de sécurité pour le Fonds de résolution de la Banque européenne en créant une ligne de crédit pour le fonds avec le MES. Il ajoute une pièce manquante au mécanisme de résolution unique pour les banques, le deuxième pilier de l’union bancaire européenne. La réforme du MES a été quelque peu éclipsée par la discussion sur le Fonds européen de relance (Next Generation EU). Pourtant, c’est une bonne nouvelle en soi. Elle renforce l’union bancaire en franchissant une nouvelle étape vers son achèvement. En outre, cette étape pourrait être franchie plus tôt que le délai initialement prévu, car des progrès suffisants ont été réalisés dans le renforcement des banques européennes. Mais cette étape ne complète pas l’union bancaire, notamment parce que le troisième pilier (une garantie commune des dépôts) n’en est qu’à ses débuts.

Gestion de crise dans la zone euro

Le 30 novembre 2020, les ministres européens de l’économie et des finances de la zone euro (Eurogroupe) ont approuvé une réforme du mécanisme européen de stabilité (MES). Le traité de réforme sera signé en janvier et entrera en vigueur à partir de 2022, après ratification par les États membres.

Le MES a été créé en 2012 comme l’un des instruments destinés à renforcer la stabilité de la zone euro. Il s’agit d’une institution intergouvernementale regroupant les 19 pays de la zone euro qui participent au capital du MES selon la clé de répartition du capital de la BCE. Cela rend le MES1 très solvable et lui permet d’émettre des prêts sur les marchés des capitaux à des conditions favorables. Sa tâche principale est de prêter cet argent, à des conditions strictes, aux pays de l’euro qui ne peuvent plus financer eux-mêmes leur dette publique via le marché financier, bien que leur dette soit en principe supportable.

Le MES contribue à résoudre l’une des nombreuses faiblesses structurelles initiales de l’architecture de la zone euro, que la crise de l’euro a douloureusement révélée il y a dix ans. Ce problème particulier est apparu lorsqu’en 2010, les marchés financiers ont refusé de financer le gouvernement grec, puis les gouvernements irlandais, portugais et espagnol. L’absence d’un outil de gestion de crise dans l’Union a dégénéré en une crise dramatique de l’euro. Les États membres ont dû recourir à des solutions temporaires ad hoc pour éviter l’effondrement de l’Union. Le MES offre désormais des solutions structurelles par le biais de différents types de lignes de crédit2que les États membres peuvent utiliser dans des conditions strictes en cas d’urgence de financement.

Financement d’urgence dans l’union bancaire

L’intégration européenne insuffisante du système bancaire est une autre faille architecturale qui a été mise en évidence par la crise de l’euro. À cet égard, l’accord politique de juin 2012 sur l’union bancaire européenne a constitué une étape importante. L’union bancaire a placé les banques des pays de l’euro sous un mécanisme de surveillance unique européen dirigé par la Banque centrale européenne (BCE). Les 115 banques les plus importantes sont sous la surveillance directe de la BCE depuis novembre 2014 ; les autres sont sous surveillance indirecte par l’intermédiaire des superviseurs nationaux. Ce mécanisme de surveillance est le premier pilier de l’union bancaire.

Le mécanisme de résolution unique est le deuxième pilier. Il assure la résolution efficace des banques en faillite. Pour les banques les plus importantes, des règles européennes spécifiques ont été élaborées et sont appliquées par le Conseil de Résolution Unique (SRB). Ces règles doivent garantir que les banques défaillantes peuvent être restructurées ou liquidées sans perturber la stabilité financière et sans utiliser l’argent public. En principe, les pertes doivent être supportées par les actionnaires et les autres prêteurs privés, à l’exception des détenteurs de dépôts protégés.

Afin de préserver la stabilité financière, la SRB doit avoir accès à des fonds supplémentaires rapidement si nécessaire, par exemple pour recapitaliser (certaines parties) d’une banque en faillite ou pour combler des déficits temporaires de liquidités. Dans des conditions de crise, cet argent ne peut pas toujours être mobilisé en quantité suffisante ou suffisamment rapidement via le marché privé. Et la BCE, en tant que banque centrale, ne peut pas non plus assumer sa fonction de prêteur en dernier ressort, car une banque défaillante est par définition insolvable et une banque centrale ne peut en principe accorder des crédits qu’à des banques solvables.

Le mécanisme de résolution prévoit donc un Fonds de résolution unique (FRS), auquel le SRB peut faire appel. Ce fonds est progressivement financé par les contributions de toutes les banques de la zone euro, et non par des fonds publics. Ces contributions sont « mutualisées », de sorte qu’il s’agira d’un fonds entièrement européen d’ici la fin 2023. La « mutualisation » ou transfert au niveau européen est importante car elle signifie que la résolution d’une banque n’affectera en principe plus les finances publiques du pays d’origine de la banque. Si le contrôle bancaire et la gestion de crise sont tous deux européens, les banques des pays de la zone euro peuvent être considérées de plus en plus comme des banques véritablement européennes et non plus comme une banque d’un pays A ou d’un pays B.

Le montant envisagé3 est substantiel mais peut encore être insuffisant dans des circonstances exceptionnelles, comme lorsque plusieurs grandes institutions financières rencontrent des difficultés en même temps. L’une des réformes du MES4 qui vient d’être décidée est que le FRS disposera d’une ligne de crédit auprès du MES à partir de 2022. Cette ligne de crédit est conçue comme un filet de sécurité, ce qui signifie qu’elle ne peut être utilisée que lorsque toutes les autres sources de financement ont été épuisées. Cette ligne de crédit devrait contribuer à empêcher que la résolution des faillites bancaires ne mette encore en danger la stabilité financière. En faisant appel à la capacité de prêt du mécanisme de stabilisation des changes, il est possible d’éviter cette situation sans faire appel directement aux budgets publics nationaux.

Renforcer l’union bancaire

L’élargissement du rôle du MES en tant que soutien du FRS est une étape importante dans l’achèvement de l’union bancaire. Dès 2013, il a été décidé en principe de confier ce rôle au MES après la fin de la phase de construction du FRS, c’est-à-dire à partir de 2024. En 2018, il a été décidé que le MES pourrait assumer ce rôle plus tôt, si les banques de tous les pays avaient suffisamment progressé dans la réduction des créances douteuses (NPL) du passé et avaient suffisamment augmenté leur capacité à absorber elles-mêmes les pertes.

Le fait que le Mécanisme de stabilisation d’urgence puisse jouer ce rôle deux ans plus tôt que prévu est donc une double bonne nouvelle. Non seulement une étape importante est franchie dans l’achèvement de l’union bancaire. Le fait que cette étape puisse être franchie plus tôt que prévu initialement signifie également que des progrès suffisants ont été réalisés entre-temps pour renforcer les banques. Dans un certain nombre de pays, dont la Belgique, c’était déjà le cas depuis longtemps. Mais surtout en Grèce et à Chypre, il restait encore beaucoup de travail à faire. Cela signifie également que le système bancaire européen est désormais en meilleure position pour faire face aux défis que la crise de la Covid-19 est susceptible d’apporter.

Mais la réforme ne complète pas l’union bancaire. Le mécanisme de résolution reste largement inexploré jusqu’à aujourd’hui. Son fonctionnement pratique ne peut donc pas encore être évalué. Dans une étude récente, la BCE a également souligné la nécessité d’un cadre de garantie européen, sur lequel les nouvelles banques issues de la résolution d’une faillite devraient pouvoir compter si elles veulent se financer auprès de la BCE sans disposer elles-mêmes de garanties suffisantes. En outre, le troisième pilier, une garantie commune des dépôts, n’en est encore qu’à ses débuts.

Il reste donc du travail à faire.

 

 

1 704,5 milliards d’euros de capital souscrit, dont 80,5 milliards ont été libérés

2 Contrairement au nouveau Fonds européen de relance décidé en 2020 à la suite de la crise de Covid-19, le MES ne peut accorder que des prêts aux États membres et non des subventions ou des transferts

3 Au moins 1 % des dépôts garantis, soit environ 60 milliards d’euros.

4 Les autres réformes concernent l’aide d’urgence aux États membres.

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