L'Autriche serait-elle un pays-pilote?

Opinion économique

Pour nombre d'entre nous, l'Autriche est une destination de vacances idéale. Les plus chanceux y sont d'ailleurs peut-être même en ce moment. Mais récemment, l'Autriche a aussi fait la une pour la formation de son gouvernement. Pourrait-elle servir d'exemple à la Belgique? Nous ne répondrons pas à cette question, mais nous avons étudié les similitudes et les différences économiques entre les deux pays car elles révèlent des besoins politiques similaires. L'Autriche et la Belgique sont des pays riches, mais tous deux sont confrontés à des problèmes de croissance, surtout en termes de productivité. La productivité est plus élevée en Belgique, mais son évolution récente se montre un peu plus encourageante en Autriche. L'Autriche doit sa prospérité par habitant en moyenne plus élevée au fait que beaucoup plus d'Autrichiens sont au travail. De quoi inspirer la Belgique! Les deux pays ayant une petite économie ouverte, la compétitivité y est cruciale. Récemment, l'Autriche a fait moins bien que la Belgique en ce qui concerne l'évolution du coût de la main-d'œuvre, mais elle a mieux réussi sur les marchés d'exportation. Contrairement à la Belgique, elle a conservé son excédent extérieur ces dernières années, tout en sortant les finances publiques du rouge. Il y a donc peut-être aussi des pays-pilotes à l'est...

Un riche pays industriel

L'Autriche est presque trois fois plus grande que la Belgique, mais elle compte plus de 20% d'habitants en moins1 . En moyenne, ceux-ci sont un peu plus riches que les Belges. Leur économie génère en effet 8,5% de valeur ajoutée supplémentaire par habitant. Dans le classement des pays de la zone euro en fonction de la taille de leur économie, la Belgique et l'Autriche occupent les sixième et septième places, entre les Pays-Bas et l'Irlande. 

L'Autriche ne se résume pas uniquement à ses paysages de montagne idylliques, à son tourisme, aux Mozartkugeln ou aux valses de Vienne, même s'il est vrai que la part du secteur de l'hôtellerie et de la restauration et des activités connexes dans la valeur ajoutée totale y est presque trois fois plus élevée qu'en Belgique. Elle y est d'ailleurs la plus élevée de l'UE, derrière cinq pays (de vacances) du sud de l'Europe. L'importance relativement élevée de l'industrie manufacturière, qui représente près de 17% du PIB, pourrait toutefois surprendre davantage. Derrière l'Irlande, l'Allemagne et la Slovaquie, l'Autriche se classe deuxième de l'ensemble des pays de la zone euro, avec plus de quatre points de pourcentage de plus que la Belgique. Au cours de la première décennie, la part de l'industrie manufacturière dans la valeur ajoutée a diminué plus fortement en Belgique qu'en Autriche, où l'industrie manufacturière a très légèrement gagné en importance au cours des dix dernières années. Des secteurs tels que la transformation des métaux, la construction mécanique, la transformation du bois, mais aussi l'électronique et l'industrie automobile font la différence.

Le PIB par habitant plus élevé est un héritage du passé. Durant les dix premières années suivant l'introduction de l'euro en 1999, la Belgique et l'Autriche ont connu une croissance économique presque identique (graphique 1). En raison de la plus grande importance de l'industrie, l'Autriche a été plus durement touchée par la grande récession de 2008-2009 et elle a connu une période plus longue de croissance extrêmement faible dans le sillage de la crise de l'euro en 2011, mais au cours de la seconde moitié de la dernière décennie, l'économie y a connu un redressement plus marqué. Dans les deux pays, la croissance est cependant restée inférieure à son niveau antérieur à la crise. Elle est heureusement devenue plus intensive en main-d'œuvre, ce qui s'avérait nécessaire face à l'accroissement démographique des deux pays, principalement consécutif aux migrations Hélas, cette évolution s'est également accompagnée d'une forte contraction de la croissance de la productivité, véritable moteur de création de richesse. Contrairement à la Belgique, celle-ci a récemment été relancée en Autriche, après il est vrai une baisse plus sévère. Les deux pays partagent donc le défi de devoir stimuler davantage la croissance de leur productivité.

La Belgique est également à la traîne en ce qui concerne le taux d'emploi. L'Autriche doit sa plus grande prospérité par habitant à un taux d'emploi plus élevé. Près de 78% des 15-64 ans y travaillent, contre un peu moins de 70% en Belgique, avec il est vrai des différences régionales. En moyenne, les travailleurs belges produisent 3% de valeur ajoutée en plus, ce qui compense partiellement la perte de richesse imputable à un taux d'emploi plus faible, mais ainsi que nous l'avons dit plus haut, la Belgique est à la traîne en termes de croissance de la productivité.

Une petite économie ouverte

La plus grande importance de l'industrie signifie que le récent ralentissement de la croissance économique mondiale frappe à nouveau un peu plus durement l'Autriche. En principe, la Belgique est pourtant plus sensible aux exportations: les exportations de biens et de services y représentent en effet plus de 80% du PIB, contre 'seulement' 55% environ en Autriche, notre important port maritime belge n'y étant sans doute pas étranger. 

Plus de 70% des exportations de marchandises des deux pays sont destinées à d'autres États de l'UE, l'Allemagne étant leur principal partenaire commercial, bien que le marché allemand soit encore plus important pour l'Autriche que pour la Belgique (29,5% des exportations totales de biens en 2018, contre 17,7% pour la Belgique; source: FMI). L'Autriche entretient en outre d'importantes relations commerciales avec ses voisins d'Europe centrale et orientale, dont seule la Slovaquie fait partie de la zone euro. Moins de 20% des exportations autrichiennes de marchandises sont destinées à des pays de la zone euro autres que l'Allemagne et la Slovaquie, contre 40% pour la Belgique. L'adhésion à la zone euro offre donc à l'Autriche une stabilité des cours de change légèrement moindre, même si cela ne fait guère de différence pour la compétitivité des coûts. 

L'évolution des coûts relatifs de la main-d'œuvre par unité produite s'avère d'autant plus important 2 . Cette mesure essentielle de la compétitivité des coûts a été mise sous pression dans les deux pays après la crise de l'euro. La Belgique est intervenue plus rapidement que l'Autriche, de sorte qu'à la fin de 2019, les coûts relatifs de la main-d'œuvre par unité produite étaient inférieurs de plus de 3% à ceux de 2005, alors qu'ils étaient supérieurs de 2,5% en Autriche (graphique 2). La Belgique n'a toutefois regagné qu'une part de marché limitée et temporaire, alors qu'une modération salariale plus restreinte a suffi pour que les exportateurs autrichiens reconquièrent davantage de parts de marché. Contrairement à la Belgique, l'Autriche a donc conservé un excédent de la balance courante.

Last but not least, l'Autriche a assaini ses finances publiques ces dernières années. Le déficit structurel y a été résorbé en 2019 et, selon l'estimation de la Commission européenne (CE), il se muera en un léger excédent en 2021, alors qu'en Belgique, il devrait grimper à 2,2% du PIB selon la CE. L'allègement de la pression fiscale sur le travail figure sur la liste des réformes prioritaires de l'OCDE pour les deux pays. L'Autriche a donc créé une plus grande marge de manœuvre budgétaire au cours des dernières années. En conclusion, le pays pourrait probablement être une source d'inspiration dans plus d'un domaine!

 

 

1Sauf indication contraire, tous les chiffres proviennent d'Eurostat et se réfèrent à la période la plus récente disponible.
2Coûts de la main-d'œuvre, corrigés de la productivité et comparés à ceux des partenaires commerciaux.

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