Croissance économique et emploi en Belgique: plus et en vous

La croissance économique en Belgique est actuellement en léger retrait par rapport à la zone euro. Comparativement à d'autres pays de l'UE, un nombre record de postes vacants restent provisoirement non pourvus et la Belgique compte une pléthore de personnes inactives en âge de travailler, une tranche d'âge connaissant par ailleurs une croissance relativement forte. Cette situation laisse entrevoir un potentiel de croissance plus robuste. La création d'emplois en Belgique se porte plutôt bien depuis un certain temps même si les licenciements massifs choquants observés récemment donnent parfois une impression différente. Toutefois, cette dernière ne suffit pas au regard du potentiel affiché. Une meilleure exploitation de l'offre potentielle permettrait d'afficher des perspectives de croissance et d'emploi encore plus favorables.

Fin 2017, une enquête de SD Worx révélait que, pour trois quarts des PME sondées, le manque de travailleurs qualifiés constituait la principale menace pour la croissance économique en Belgique. Les chiffres d'Eurostat confirment ce cri d'alarme : le marché du travail belge est le deuxième le plus exigu de l'Union. Seule la République tchèque affiche, toutes proportions gardées, un bilan de postes non pourvus plus morose. Dans le même temps, le cri d'alarme lancé a également de quoi surprendre. 6,7% de la population active belge étaient encore sans emploi en novembre 2017 (source : Eurostat). Un chiffre nettement supérieur à celui de l'Allemagne (3,6%) et des Pays-Bas (4,4%). Le taux de chômage chute peut-être mais la baisse enregistrée (2,1% depuis le dernier pic au printemps 2015) est inférieure à celle des deux pays voisins et de la zone euro. Ni le niveau, ni la vitesse de la diminution du taux de chômage ne laissent présager un marché de l'emploi limité. Entre-temps, la croissance économique tourne légèrement au ralenti en Belgique par rapport à celle de la zone euro qui a amorcé un mouvement de reprise.

Le paradoxe tient en ce que la problématique de la pénurie de main-d'œuvre revêt deux aspects : l'un quantitatif (combien de personnes sont disponibles pour le marché du travail ?) et l'autre qualitatif (ces personnes disposent-elles également des compétences utiles ?). Le manque de ressources sur le marché du travail est surtout d'ordre qualitatif. On note en effet une pénurie des candidats dotés des compétences répondant aux exigences des postes vacants. D'un point de vue quantitatif, l'on ne relève absolument aucun manque de personnes aptes à travailler. Bien au contraire. Parmi les personnes en âge de travailler (souvent entre 15 et 64 ans), l'on observe un nombre remarquablement élevé de personnes qui pourraient postuler à un emploi mais ne le font pas.

La figure 1 renseigne qu'au deuxième trimestre 2017, une partie infime de la population en âge de travailler avait également un emploi réel en Belgique : 63% contre 66% en moyenne dans la zone euro, et même 75% en Allemagne et 76% aux Pays-Bas. Seules l'Italie et l'Espagne font moins bien parmi les pays représentés. En Espagne, les chiffres de l'emploi traduisent les conséquences de la profonde récession qui a fait flamber le chômage. À l'image de l'Italie, le faible taux d'emploi en Belgique s'explique essentiellement par le nombre élevé de personnes qui ne participent pas au marché du travail. Les y inclure permettrait de dégager un potentiel de croissance supplémentaire pour l'économie belge.

Figure 1 - Participation au marché du travail des 15-64-ans (en %, juin 2017)

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Ce potentiel est encore plus important que la figure 1 ne le suggère. La Belgique connaît en effet un développement démographique relativement favorable. La figure 2 illustre la population âgée de 15 à 64 ans en Belgique, dans les pays voisins et dans la zone euro. L'offre d'emploi potentielle en Belgique a connu une croissance de 9% depuis l'an 2000, un chiffre quatre fois supérieur à celui de la zone euro. En Allemagne, la population en âge de travailler a en revanche diminué de près de 5% au cours de cette période, nonobstant la reprise observée dernièrement. Une donnée qui s'explique surtout par la migration. En Belgique, la population âgée de 15 à 64 ans a enregistré la plus forte augmentation au cours de la seconde moitié de la dernière décennie. Cette progression a ensuite ralenti. Selon les prévisions démographiques d'Eurostat, la Belgique peut encore tabler, contrairement à ses pays voisins, sur une augmentation continue d'environ 3% jusqu'en 2025.

Figure 2 - 15-64-ans (2000 = 100)

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Cette hausse relativement forte implique une croissance économique potentielle relativement élevée si ces personnes effectuent aussi un travail productif. L'accroissement du taux d'emploi peut exercer un effet de levier sur les stimuli de croissance démographique sous-jacents. Toutefois, la situation exige une création d'emplois forte : en effet, il ne s'agit pas seulement de créer des jobs pour rendre actif les « 15-64 ans inactifs » existants, mais aussi pour mettre au travail les nouvelles personnes entrant dans cette tranche. Dans l'intervalle, l'économie reste en perpétuelle mutation. Les emplois disparaissent, parfois de manière massive, comme ce fut le cas récemment, obligeant les personnes concernées à rechercher un nouveau poste.

Quelle est la performance du marché du travail belge au niveau de la création d'emplois ? Comparativement aux pays voisins et à la moyenne de la zone euro, la création d'emplois n'est pas si mauvaise depuis un certain temps. Depuis le premier trimestre 2008, on enregistre une augmentation de presque 7% des personnes au travail (figure 3). Cette croissance est clairement supérieure à la moyenne de la zone euro (+4,9%) et nettement plus forte qu'en France et aux Pays-Bas (+ 2,6%), même si plusieurs pays de la zone ont amorcé un mouvement de reprise. L'Allemagne occupe la première place avec une progression de près de 9%. En raison de la croissance démographique relativement solide, la création d'emplois en Belgique se traduit toutefois moins par une augmentation du taux d'emploi et le taux de chômage diminue aussi moins fortement. Qui considère ces seuls indicateurs sous-estime donc d'une certaine façon la performance du marché du travail.

Figure 3 - Emploi intérieur (en nombre de personnes, 1er trimestre 2008 = 100)

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Créer des emplois, c'est bien, créer des emplois productifs, c'est mieux ! Maintenir la croissance de la productivité constitue un défi de taille. Cela nous ramène à l'aspect qualitatif de la pénurie sur le marché du travail : plus la qualité de l'offre d'emplois est élevée, plus la qualité des emplois est élevée et plus leur contribution à la productivité et à la création de prospérité est importante. Au regard d'une telle amélioration de la qualité et de l'exploitation du potentiel de croissance démographique, les perspectives de croissance et d'emploi pour l'économie belge paraissent bien plus réjouissantes qu'elles ne le sont actuellement.

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