Draghi reste prudent
Depuis que la Banque centrale européenne a décidé, en juin, de figer sa politique jusqu'à l'été 2019, plus personne ne s'attend à de grandes surprises durant la réunion de la banque. Pour avoir quelque chose de neuf à se mettre sous la dent, les observateurs attendent plutôt la conférence de presse de Mario Draghi. Face aux inquiétudes grandissantes des investisseurs à propos de la croissance économique mondiale, la question était de savoir s'il allait être capable d'apaiser les esprits.
Draghi reste prudent
La BCE n'a rien modifié à sa politique. Le taux directeur reste inchangé et les achats mensuels d'obligations ont été réduits de moitié à 15 milliards de dollars et seront stoppés en fin d'année. L'engagement de maintenir les taux bas jusqu'à l'été 2019 a été confirmée. Lors de la session de questions/réponses qui a suivi, Draghi s'est montré modérément positif tout en reconnaissant un essoufflement de la dynamique économique. Ni plus, ni moins. Alors que la plupart des indicateurs restent supérieurs à la tendance, il attribue certains résultats décevants à des « phénomènes idiosyncratiques ». Il a notamment cité l'exemple de l'industrie automobile allemande, qui connaît actuellement un coup de mou parce qu'elle doit s'adapter aux nouveaux tests d'émissions mis en œuvre au sein de l'UE. Les récentes turbulences sur les marchés financiers ne sont toutefois pas de nature à influencer la politique de la BCE. Malgré des indicateurs d'inflation légèrement décevants depuis peu, Draghi reste persuadé que l'inflation va progressivement converger vers l'objectif de la BCE (en dessous mais proche de 2 %). Pour justifier son optimisme, Mario Draghi évoque, entre autres, la hausse des salaires négociés, signe encourageant qui semble annoncer une croissance des salaires plus durable.
Risques croissants ?
Beaucoup de journalistes voulaient savoir ce que pensait Draghi de la situation en Italie et des problèmes autour de son budget. Le président de la banque a logiquement esquivé en expliquant que la question italienne était un problème budgétaire qui ne relève pas de la compétence de la BCE. Il a ajouté que le risque de contagion à d'autres pays (de la périphérie) de l'UE restait limité. Il a en outre évoqué des risques externes liés à la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, l'impasse dans les négociations sur le Brexit et l'accroissement de la volatilité sur les marchés. À la question de savoir quels étaient les moyens de la BCE en cas de scénario catastrophe, Draghi a répondu que la banque disposait de suffisamment d'instruments monétaires pour intervenir, citant notamment, et de manière quelque peu surprenante, le programme TLTRO. Ce programme avait été créé en 2014 dans le but de stimuler l'octroi de crédits bancaires aux ménages et aux entreprises. Le fait que le président de la BCE, habituellement si réfléchi et si prudent, ait évoqué cela prouve que la banque réfléchit en interne sur les outils qui pourraient lui permettre de soutenir le marché et/ou l'économie si cela devait vraiment s'avérer nécessaire. Mais une telle éventualité n'est actuellement pas à l'ordre du jour.
Au bout du compte, Draghi a une nouvelle fois réussi son coup. Malgré quelques mouvements durant le discours, le marché n'a finalement réagi que de manière très modeste à la conférence de presse de la BCE. Le cours EUR/USD a légèrement fluctué en cours de séance, mais est tout de même resté au sein d'une fourchette étroite. La paire de devises est actuellement toujours en recul (en dessous de la barre de 1,14), mais cela s'explique surtout par la vigueur du dollar. Concrètement, nous attendons de voir si le taux de croissance de l'économie américaine publié cet après-midi sera suffisamment solide pour faire évoluer le cours EUR/USD en direction de 1,13.