Remodelage du paysage politique en Allemagne
Les marchés
La chancelière allemande, Angela Merkel, ne présentera plus sa candidature à la présidence de la CDU lors du congrès du parti prévu en décembre. Les deux dernières élections régionales ont en effet tourné au désastre pour la CDU et son alliée bavaroise la CSU. En Bavière, la CSU a perdu sa majorité absolue, alors que la CDU a perdu plus de 10% dans la Hesse. Ces résultats sont perçus comme un sérieux désaveu à l'encontre de la coalition actuellement au pouvoir au fédéral (CDU/CSU et SPD). En outre, cette déroute constitue, pour certains adversaires politiques de longue date au sein même du parti des chrétiens-démocrates, l'occasion idéale de pousser Merkel vers la sortie. Les opposants à l'actuelle chancelière sont emmenés par le président du Bundestag, Wolfgang Schäuble, et son protégé Friedrich Merz, lequel s'était retiré de la vie politique depuis plus de dix ans. Merkel devra donc renoncer à la présidence du parti à partir de décembre et s'est également vue contrainte de promettre qu'elle mettrait un terme à sa carrière politique à la fin de son mandat fédéral.
Table rase
Il est quasiment certain que les jours de Merkel à la tête de l'État seront ensuite comptés. Dans la pratique, le chancelier doit en effet aussi être le président du principal parti au pouvoir. Les problèmes qu'avait rencontrés l'ancien chancelier Gerhard Schroeder sont encore dans toutes les mémoires. En outre, le fossé qui s'est creusé avec les candidats à la présidence de la CDU (Spahn et surtout Merz) est tel que Merkel ne sera plus "tolérée" comme chancelière. La seule solution envisageable (à très court terme) serait que Merkel cède sa place à sa dauphine, Annegret Kramp-Karrenbauer ("AKK"). Si la chancelière est remplacée, de nouvelles élections seront alors inévitables. En outre, le SPD pourrait, par frustration, retirer plus rapidement que prévu la prise de la coalition et ne pas attendre l'échéance de 2019 et l'évaluation du bilan de la coalition. La position de la présidente du SPD, Andrea Nahles, pourrait ainsi aussi être compromise. Et pour couronner le tout, il est également quasiment certain que le président de la CSU Horst Seehofer devra aussi faire un pas de côté dans les prochaines semaines.
Les cartes politiques sont donc actuellement rebattues en Allemagne et il est encore difficile de savoir sur quoi cela va déboucher. Deux choses devraient cependant nous aider à y voir plus clair: l'identité du prochain président (de la prochaine présidente) de la CDU et les sondages concernant l'issue d'éventuelles nouvelles élections.
Probable coalition noire-verte
La lutte pour la présidence de la CDU se jouera certainement entre Merz (conservateur, libéral sur le plan économique et pro-européen) et AKK (à bien des égards la copie conforme de Merkel). Nous ne devrions donc pas connaître de véritables tremblements de terre politiques. Merz et AKK sont tous les deux des poids lourds de la CDU, mais ne possèdent toutefois pas la même aura internationale que Merkel. Cela pourrait poser un problème étant donné les menaces qui pèsent actuellement sur le multilatéralisme et le libre-échange. Ce n'est pas non plus une bonne chose pour les négociations sur le Brexit, actuellement au point mort. Le SPD ne devrait quant à lui plus jouer aucun rôle dans la formation du prochain gouvernement. À l'heure actuelle, les sondages indiquent en effet que la seule coalition possible serait une alliance entre la CDU/CSU et les écologistes, avec le soutien éventuel des libéraux du FDP. Cela serait synonyme d'une politique pragmatique et assez libérale sur le plan économique.
Des incertitudes, mais aussi des opportunités
Quel que soit le nouveau chancelier, il ne faut pas s'attendre à des "expérimentations" économiques de la part d'un gouvernement composé de la CDU/CSU et des Verts. Une politique budgétaire de relance est donc d'ores et déjà exclue. Un gouvernement "noir-vert" (sans le FDP) devrait mener une politique résolument pro-européenne et tentera probablement aussi de resserrer les liens avec les États-Unis. La fin d'une ère va généralement de pair avec un regain d'instabilité. Les incertitudes politiques actuelles devront cependant prendre fin le plus rapidement possible. Les options possibles sont suffisamment claires. Plus les incertitudes persisteront, plus elles pèseront sur l'économie et les marchés. La conjoncture européenne n'a définitivement pas besoin de cela.