Ready, Fed, go!
L'heure est venue de regarder la réalité en face. Hier, les obligations et les actions américaines ont donc subi de lourdes pertes, après que le président de la Fed, Jerome Powell, a une nouvelle fois souligné que les choses allaient sûrement changer. En espérant que le message ait été entendu jusqu’à la tour d’ivoire de Francfort.
L'heure est venue de retirer ses œillères. Nous vivons dans un autre monde et nous nous trouvons à la veille d’une nouvelle ère pour la Fed. Une époque où la Fed va quitter la voie sûre de la progressivité et s'engager sur le chemin plus cahoteux de la normalisation de la politique monétaire. Adieu les relèvements de taux de 25 pb annoncés à l’avance tous les trimestres. Bye bye l'adondance et l'excès de liquidités . L’économie américaine reprend du poil de la bête après la pandémie, l’inflation évolue à des sommets qui, dans la période d’après-guerre, n'ont été dépassés que dans les années 70 et le marché du travail tourne à plein régime.
Dans ce contexte, la Fed compte procéder à son premier relèvement de taux en mars. Powell a cependant refusé de préciser la taille de cette intervention. Après le mois de mars, nous devrons probablement nous attendre à des hausses de taux lors de chaque réunion de politique. Même notre scénario de quatre resserrements successifs de 25 points de base paraît soudain prudent après la séance de questions-réponses de Powell avec la presse. Le postulat de base selon lequel la réduction progressive du bilan démarrera à un moment où le cycle des taux est mis en pause ne tient plus. Le processus débutera certainement en pilotage automatique et n’empêchera pas la Fed de mener sa croisade contre l'inflation via des taux directeurs plus élevés. Nous nous attendons à ce que la Fed entame la réduction naturelle de son bilan à partir de juin. Elle ne réinvestira plus les fonds provenant des obligations arrivées à échéance, achetées dans le cadre de ses nombreux programmes d’assouplissement quantitatif.
Les investisseurs doivent aujourd'hui se défaire de l'idée romantique selon laquelle les réunions de politique de la Fed sont systématiquement synonymes de hausses boursières. 2022 sera une année difficile pour les actifs plus risqués. Les chiffres journaliers officiels des principaux indices de Wall Street hier masquent les pertes de 5 % enregistrées après le discours cash de Powell. L’économie américaine et le marché de l’emploi sont suffisamment solides pour encaisser sans problème un certain nombre de relèvements de taux. La priorité doit être mise sur le problème de l’inflation, même si la croissance en souffre cette année. La courbe des taux américaine s’est aplanie. Les hausses sur la partie courte ont atteint 14 points de base, les échéances inférieures ou égales à 5 ans ayant atteint leurs niveaux les plus élevés depuis le début de la reprise. Le taux américain à 10 ans a grimpé d’environ cinq points de base. Le seuil psychologique de 2 % pourrait tomber rapidement.
Une fois de plus, le mouvement est dû à une hausse des taux réels. Combinée à la forte correction du risque,cela a joué en faveur du dollar. Tant sur une base pondérée des échanges commerciaux (DXY) que vis-à-vis de l’euro, les sommets atteints par le dollar depuis le début de la reprise sont à portée de main. La probabilité d’une rupture respectivement au-dessus de 96,94 et en dessous de 1,1186 est grande. Le cours EUR/USD de 1,1040 constitue le prochain seuil, surtout si la BCE ne fait rien la semaine prochaine. Pour l’instant, nous partons du principe que Lagarde et ses collègues ne changeront leur fusil d'épaule qu’en mars.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC