Les devises d’Europe centrale face à des vents contraires
Les devises d’Europe centrale ont récemment été confrontées à des vents de face. La politique intérieure (par exemple en Hongrie) est loin d’être la seule raison: les développements économiques et géopolitiques à proximité de la région, mais aussi au-delà, créent un concours de circonstances malheureux. Nous dressons la liste de plusieurs facteurs.
Tout d’abord, il y a les dégâts collatéraux du ‘Trump trade’. Pourquoi les développements aux États-Unis ont-ils un tel impact sur des marchés/économies qui n’ont en fin de compte que des liens économiques directs limités avec Uncle Sam? En 2023, par exemple, les États-Unis représentaient seulement 3% du total des marchés des exportations tchèques. Pourtant, jusqu’à nouvel ordre, les États-Unis, la Fed et le dollar restent le facteur décisif des conditions financières mondiales, et les (devises des) économies émergentes y sont particulièrement sensibles. Ainsi, si les taux d’intérêts (réels) augmentent aux États-Unis en même temps que le dollar, les actifs de pays présentant une prime de risque élevée deviennent moins intéressants. Et depuis fin septembre, c’est justement la conjoncture dans laquelle nous trouvons. La politique monétaire doit s’adapter, même si ce n’est pas souhaitable du point de vue purement national. Malgré la faiblesse de la croissance, la Banque nationale de Hongrie (MNB) a arrêté (temporairement?) d’abaisser son taux directeur pour éviter que la situation du forint ne se dégrade davantage. Quant à la Banque nationale tchèque (CNB), elle indique que la marge de manœuvre pour d’autres abaissements devient très limitée.
Malgré ces concessions monétaires, la couronne et surtout le forint doivent se contenter de limiter les dégâts. Le zloty aussi a perdu du terrain depuis septembre, nonobstant le soutien d’un taux artificiellement élevé (5,75%). Malheureusement, pour les petites devises, les conditions monétaires de la politique (attendue) aux États-Unis restent au moins aussi décisives que le contexte intérieur.
En outre, la région est confrontée à un contexte géopolitique et économique défavorable. Les tensions relatives au conflit en Ukraine et à ce qui se passera après le 20 janvier (entrée en fonction de Trump) ajoutent à la nervosité du marché. Tout comme l’Allemagne, les pays d’Europe centrale dépendaient fortement de la Russie pour leur approvisionnement en énergie. Ils travaillent d’arrache-pied à diversifier leurs sources, mais la hausse récente des prix du gaz illustre le risque d’une augmentation de l’incertitude et d’une perte de compétitivité.
Enfin, la région est sensible aux humeurs de son principal partenaire commercial: l’Allemagne. L’économie allemande n’est pas au mieux de sa forme. Sur le plan politique, les pays concernés croisent les doigts pour que les résultats des élections allemandes n’aggravent pas l’instabilité. De plus, la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie sont devenues des pôles de production importants de l’industrie automobile allemande. Les problèmes qui touchent ce secteur ont donc un impact sur la production locale et créent une incertitude généralisée. Y aurait-il ici aussi des restructurations à venir?
Dans ces circonstances, les banques centrales concernées s’efforcent de limiter autant que possible les dégâts pour leurs devises respectives. L’écart de taux d’intérêt avec l’euro les aide certainement à ne pas perdre trop de terrain, surtout vis-à-vis d’une monnaie unique sur le déclin. Mais pour un véritable renversement de la tendance, de nombreux facteurs politiques et économiques devraient se conjuguer.