La livre sterling se couche face à l’euro

Ce mois-ci, la livre sterling est dans sa pire dynamique vis-à-vis de l’euro depuis le hara-kiri de la Première ministre Truss et du ministre des Finances Kwarteng en septembre 2022. Le cours EUR/GBP a atteint un sommet intermédiaire juste en deçà de 0,8750 (le cours le plus élevé depuis novembre 2023), contre 0,8350 au début du mois. En mars, la dynamique reflationniste européenne avait déjà extirpé la paire de devises d’une solide zone de support technique, légèrement au-dessus de 0,82 (planchers annuels de 2017/2019/2020/2022/2024). Dans un premier temps, nous misons sur une poursuite de la reprise du cours EUR/GBP vers le sommet de 2023, à 0,8979. D’autre part, la livre sterling tient pour l’instant tête à un dollar encore plus faible. De 1,27 au début de la semaine dernière, le cable (GBP/USD 1,3280) progresse vers son sommet de 2024, juste au-dessus de 1,34.
Cette évolution est portée par la vigueur de l’euro. Dans le contexte volatil d’une guerre commerciale encore en pleine escalade, la monnaie unique fait figure de valeur refuge, à l’instar du yen japonais et du franc suisse. Ce matin, il est devenu douloureusement clair qu’il en faut peu pour miner encore la confiance limitée des investisseurs: les sell-on-upticks sur la bourse se traduisent par un buy-the-dip pour l’euro.
Du côté de la livre, de vieilles blessures se réveillent. Nous rappelions ci-dessus le “mini-budget” avec des “maxi-conséquences” qui avait semé le chaos sur l’extrémité longue de la courbe des taux britanniques en 2022. La semaine dernière, le taux britannique à 30 ans a emboîté le pas à son homologue américain. En quelques jours, il est passé de 5,05% à 5,66%, son niveau le plus élevé depuis 1998! Ainsi, le gouvernement Reeves fait face à un dilemme: imposer des réductions de dépenses difficiles à avaler en période d’incertitude économique, ou enfreindre ses propres règles budgétaires. Dans sa mise à jour du mois dernier, Reeves a encore opté pour la première approche, vu le déficit budgétaire de plus de 5% et la dette publique supérieure à 95%. Cette base très précaire se traduit par des primes de risque (de crédit) britanniques plus élevées, un désavantage pour la livre.
De même, la hausse des taux incontrôlée n’a pas échappé à la Banque d’Angleterre (BoE). Elle a mis de l’eau dans son vin, en remplaçant en dernière minute les ventes planifiées de Gilts à très longue durée de son portefeuille obligataire par des ventes d’obligations d’État britanniques avec des durées bien plus courtes. Là où la Fed et la BCE procèdent à une réduction progressive de leurs portefeuilles obligataires constitués dans le cadre de l’assouplissement quantitatif, la BoE programme ses ventes sur une base régulière. En outre, la banque centrale britannique dispose d’une marge de manœuvre encore plus importante que la BCE pour abaisser ses taux. Depuis l’été de l’année dernière, la BoE a abaissé son taux directeur de 25 pb sur une base trimestrielle, à chaque fois au moment de la publication de nouvelles perspectives de croissance et d’inflation. Ce matin, les taux d’inflation pour mars laissent à penser que Bailey et ses collègues pourraient poursuivre en ce sens au mois de mai, en abaissant le taux de 4,50% à 4,25%. En effet, l’inflation a inopinément ralenti, à 0,3% en base mensuelle et 2,6% en base annuelle (contre 2,8%). L’inflation de base (de 3,5% à 3,4%) et l’inflation des services (de 5% à 4,7%) se sont également atténuées. Les marchés monétaires britanniques tablent sur/espèrent que le taux atteindra 3,5% vers la fin de l’année.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC
EUR/GBP: plus de potentiel haussier
