Banque du Canada sur la défensive à cause de la guerre commerciale

Hier, la Banque du Canada (BoC) a une nouvelle fois abaissé son taux directeur de 25 points de base (pb), à 2,75 %, soit au milieu de la fourchette qu'elle considère comme un niveau de taux neutre (2,25 %-3,25 %). Dans le contexte actuel d’incertitude commerciale, et malgré l'inflation, la banque dispose donc encore d'une marge de manœuvre. Depuis le début de son cycle d'assouplissement en juin de l’année dernière, la BoC a réduit son taux directeur de 225 pb au total.
Hier, le gouverneur, Tiff Macklem, et ses collègues ont appliqué le principe de prudence. L’attitude agressive du principal partenaire commercial du Canada (76 % des exportations totales et 20 % du PIB canadien) et la nature volatile de la menace (un jour oui et l'autre non, 25 % ou 50 %, sur tous les biens ou uniquement sur certains… ) poussent la banque centrale canadienne sur la défensive. Au cours du mois écoulé, elle a sondé les consommateurs et les entreprises afin de mieux cerner leur fonction de réaction face à la menace des droits de douane. Il est ressorti de cet exercice que les ménages auront clairement tendance à épargner davantage et à reporter leurs achats importants. Du côté des entreprises, 50 % prévoient de réduire leurs investissements et environ 40 % vont diminuer leurs offres d'embauches.
Cette position attentiste et l’incertitude commerciale générale pèsent davantage dans la balance que les récents développements. L'économie canadienne a progressé plus fortement que prévu au second semestre de l’année dernière (2,6 % en base annuelle au quatrième trimestre et taux revu à 2,2 % pour le troisième). Pour le premier trimestre de cette année, la BoC s’attend à un net recul (intérieur) même si celui-ci sera probablement compensé par une forte contribution des exportations (par anticipation des droits de douane). La croissance de l’emploi a aussi dépassé les prévisions entre novembre et janvier (avec la même nuance que ci-dessus). L’inflation canadienne est retombée à/en dessous de l’objectif d’inflation de 2 % grâce à une exonération fiscale temporaire, mais repartira en principe en direction de 2,5 % à partir de mars. L’inflation de base sous-jacente demeure également supérieure à l’objectif de 2 %, principalement en raison de la tension sur les prix du logement. Les anticipations inflationnistes à court terme sont en hausse, sous l'effet des droits de douane.
Dans son dernier paragraphe, la BoC conclut que la politique monétaire ne peut pas neutraliser les répercussions d’une guerre commerciale. Ce que la banque centrale peut faire, c’est mettre en balance les risques de baisse de l’inflation liés à un ralentissement de la croissance et les risques de hausse des prix liés aux droits de douane supplémentaires, puis anticiper et réagir en conséquence. Le gouverneur Macklem a clairement penché du côté des premiers risques lors de la conférence de presse. En avril, la BoC disposera de nouvelles projections de croissance et d’inflation. Nous nous attendons à ce qu'elle utilise celles-ci pour de nouveau abaisser son taux directeur. Sur le marché des changes, le dollar canadien reste la principale victime de la guerre commerciale déclenchée par Trump. La paire USD/CAD reste coincée près des sommets pluriannuels autour de 1,45 atteints récemment. La récente correction du dollar américain n'a quasiment eu aucune incidence sur le cours. Une manière plus positive de voir les choses est que les planchers pluriannuels atteints par le CAD après début février sont restés hors de portée, malgré toute la volatilité. Le cours EUR/CAD a quant à lui suivi le mouvement de hausse du cours EUR/USD. Le sommet de 2024 autour de 1,52 est tombé la semaine dernière, mais le cours est ensuite remonté en direction de 1,58, les niveaux les plus élevés depuis l’été 2020. Le prochain important seuil de résistance se situe à EUR/CAD 1,60. Conformément à notre vision de la paire EUR/USD, le potentiel de hausse du cours EUR/CAD est supérieur à celui du cours USD/CAD.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC
USD/CAD : le dollar canadien reste la principale victime de la politique commerciale de Trump.
