L'aversion pour le risque s'accentue

Le nouveau scénario de marché laisse des traces de plus en plus profondes. Nous avions prévenu que la balance aux États-Unis avait basculé ces deux dernières semaines des risques d’inflation à la hausse aux risques de croissance à la baisse. Dans ce contexte, les actifs américains sont devenus particulièrement sensibles à l’affaiblissement des chiffres économiques, tels que les PMI américains, la confiance des consommateurs ou les demandes de chômage hebdomadaires. La semaine prochaine, sont prévus au programme les indicateurs de confiance ISM pour le mois de février, le rapport sur l’emploi ADP et les « payrolls ». Le thème de la récession US pèse sur les taux américains, les bourses et, dans une moindre mesure, le dollar.
Le président américain Trump (qui d’autre ?) a encore renforcé le cercle vicieux cette semaine. Les surtaxes de 25 % visant le Canada et le Mexique vont bel et bien entrer en vigueur le 4 mars. À cette même date, des droits de douane supplémentaires de 10 %, en plus des 10 % déjà imposés, vont être appliqués à la Chine. À partir du 2 avril, des droits de douane réciproques (imposition des mêmes taux que ceux appliqués par les partenaires commerciaux sur les produits américains) vont aussi être mis en œuvre. Enfin, des droits de douane de 25 % sur les voitures et d'autres marchandises en provenance d'Europe vont aussi bientôt être annoncés. Les marchés ont continué d'encaisser, surtout les bourses et, dans une moindre mesure, les taux d’intérêt (impact inflationniste du protectionnisme). Pour le dollar, la tendance a changé. Pas en raison d’un billet vert plus fort, mais en raison d'une faiblesse encore plus grande des devises des partenaires commerciaux (touchés). Le cours EUR/USD est ainsi retombé au-dessous de 1,04, après avoir testé intensivement le seuil de résistance de 1,0533 en début de semaine. Le cours USD/CAD est passé en quelques jours de 1,42 à 1,4450. La livre britannique demeure pour sa part solide, certainement face à l’euro. Le déficit commercial des États-Unis par rapport au Royaume-Uni est limité. « Nous y arriverons », a déclaré Trump.
C'est dans ce même contexte de risque négatif que Nvidia, l’étoile de la bourse, a publié ses résultats. De bons résultats certes, mais qui ne sont pas aussi « fantastiques » qu'à l'accoutumée. Une déception qui a donné lieu à des prises de bénéfices, qui ont fait chuter l’action d’environ 8,5 % et l’indice technologique plus large de près de 3 % hier. D’un point de vue technique, l'indice perd ainsi un premier niveau de support important : le plancher annuel précédent de 18 831, qui correspondait aussi à la limite inférieure de la fourchette latérale en vigueur depuis décembre. Les mêmes résultats de Nvidia, mais deux semaines plus tôt, auraient sans aucun doute été accueillis avec enthousiasme. Comme souvent, tout est une question de timing.
La correction pourrait encore continuer, en particulier sur les marchés des actions et des taux américains. De premiers membres de la Fed ont insisté sur l’aspect croissance de la comparaison et remettent implicitement en question la pause prolongée des taux. Tout sauf une forte surprise haussière dans les déflateurs PCE du mois de janvier pourrait encore conforter cette idée cet après-midi. En ce qui concerne la guerre commerciale, des accords de dernière minute pourraient encore être trouvés pour éviter les droits de douane. Mais faut-il vraiment compter là-dessus ? La meilleure option reste d'attendre. Sur le marché des changes, la situation demeure ambiguë. Nous continuons de penser que le dollar pourra difficilement ressortir vainqueur de tout cela.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC
Le Nasdaq américain perd un premier niveau de support technique important.
