Situation inconfortable pour la BoE, Reeves et la livre sterling

Bailey et ses collègues continuent de marcher sur des œufs. Hier, la Banque d’Angleterre (BoE) a abaissé son taux directeur de 25 points de base (pb) à 4,50 %. À première vue, une formalité. Les neuf membres du comité de politique ont tous soutenu cette décision. Deux d’entre eux ont même estimé que le taux pouvait être réduit de 50 pb. Le processus de désinflation est suffisamment avancé pour abandonner progressivement le caractère restrictif de la politique monétaire. C'est comme cela que cela doit par définition aller, sinon, vous n'avez, en tant que banque centrale, aucune raison de réduire les taux. La BoE a également voulu montrer au marché que ne rien faire n'était plus une option. Voilà pour le côté facile des choses.
Les nouvelles projections ne sont, et c'est le moins que l'on puisse dire, pas très réjouissantes. L'économie était déjà à la peine depuis le premier trimestre de l'année dernière et la (timide) reprise espérée fin de l’année dernière et début de cette année ne s'est toujours pas manifestée. Malgré les mesures de relance prises dans le cadre du budget présenté en octobre par la ministre des Finances, Rachel Reeves, la BoE a fortement revu à la baisse ses prévisions de croissance pour cette année, de 1,5 % à 0,75 %. Pour 2026 et 2027, la banque s'attend à une légère progression à 1,5 %. Malgré une croissance plus faible cette année, la BoE table tout de même sur une inflation beaucoup plus élevée. Au quatrième trimestre de l'année dernière, celle-ci a atteint 2,5 %. La prévision pour cette année a été rehaussée à 3,5 % (contre 2,7 % précédemment), avec un pic attendu à 3,75 % à l’automne. Elle ralentira ensuite très progressivement en direction de l’objectif de 2 % à la fin de l’horizon de politique (fin 2027). C’est aussi comme cela que cela devrait « par définition » aller, sinon la banque devrait dès maintenant resserrer sa politique. La hausse de l'inflation est en partie due à l'augmentation des prix de l’énergie et d’autres prix réglementés. Un phénomène de fond plus préoccupant est cependant à l'œuvre. La combinaison d’une croissance plus faible et d’une inflation plus élevée s'explique également par une évolution défavorable du côté de l’offre de l’économie, avec notamment une croissance de la productivité inférieure à la moyenne.Une hausse limitée de la demande risque dès lors déjà d’engendrer de nouvelles pressions inflationnistes. Par conséquent, malgré la croissance plus faible, la BoE a dû relever la trajectoire des taux nécessaire pour ramener l’inflation vers 2 %. Dans ce scénario, le plancher ne serait pas beaucoup plus bas que 4,0 %. La stagflation n'est donc pas loin. Une situation pas vraiment confortable pour une banque centrale. C'est également une mauvaise nouvelle pour le gouvernement britannique, qui voudrait mettre en place une politique de soutien à la croissance qui soit non inflationniste tout en garantissant une stabilité budgétaire sur le long terme. Pas facile quand on démarre avec une croissance plus faible et des charges d'intérêts (plus) élevées.
Dans un premier temps, le marché des taux a encore vu des raisons d'espérer dans le fait que la décision de baisser les taux avait été prise à l'unanimité et qu'une personne comme Catherine Mann, normalement considérée comme un faucon, avait voté en faveur d’une réduction de 50 pb.Mais il a rapidement été rattrapé par son sens des réalités. Les taux ont finalement clôturé sur des hausses allant jusqu'à 4,0 pb. Le marché n’exclut pas encore complètement un abaissement des taux en dessous de 4,0 % à la fin de cette année, mais il est fort probable que la BoE devra tempérer son ADN en faveur de la croissance. Une croissance plus faible, une inflation plus élevée et des taux d’intérêt qui doivent rester élevés pour la mauvaise raison ne sont pas non plus une bonne nouvelle pour la livre. La monnaie britannique ne s'était pas mal comportée ces derniers temps, peut-être en partie parce que le marché espérait que Trump épargne davantage le Royaume-Uni que l’UE en cas de guerre tarifaire. La BoE est néanmoins venue ternir le tableau. Le cours EUR/GBP a rebondi en direction de 0,835. La partie inférieure de la fourchette de fluctuation de 0,8225/0,8475 devient de plus en plus solide.
EUR/GBP : trajectoire des taux plus élevée, mais pas une bonne nouvelle pour la livre sterling.
