La baisse du taux à 10 ans américain est le véritable objectif

Il y a d'un coté le président américain Trump : « Je pense que je connais les taux d’intérêt beaucoup mieux qu’eux, et je pense que je les comprends certainement beaucoup mieux que celui qui en est le principal responsable… ». Et de l'autre son ministre des Finances Bessent :« Il n’appelle pas la Fed à abaisser "ses taux. Lui et moi sommes concentrés sur les bons du Trésor à 10 ans ».
Il y a d'un côté le président américain Trump : « Et je vais aussi demander à l’Arabie saoudite et à l’OPEP de réduire le coût du pétrole. Vous devez le réduire. Ce qui, franchement, m'étonne, c'est qu'ils ne l'aient pas fait avant les élections ». Et de l'autre son ministre des Finances Bessent : « Si nous parvenons à faire baisser le prix de l'essence et la facture de chauffage, les consommateurs économiseront non seulement de l’argent, mais leur optimisme pour l’avenir les aidera à relever la tête après des années d’inflation élevée ».
Conscience de Trump, éminence grise ou simplement scénario classique du « good cop, bad cop » ? Qui peut le dire avec certitude ? Une seule chose est certaine :l’interview de Bessent sur Fox News hier n'est pas passée inaperçue. En raison notamment du seul objectif clairement formulé : aider le taux à 10 ans américain à baisser. Avec l’aide d’un programme économique fondé sur trois piliers: ramener le déficit budgétaire à 3 % du PIB, extraire 3 millions de barils de pétrole supplémentaires par jour et atteindre une croissance structurelle de 3 %. Le premier domino qui doit tomber est celui des prix de l’énergie. Les consommateurs américains ressentent directement le recul des prix à la pompe dans leur portefeuille et ce sont surtout eux qui façonnent les anticipations d'inflation futures. Et qui dit baisse des anticipations d'inflation, dit baisse des taux à long terme. Le deuxième domino concerne le nouveau département de l’efficacité gouvernementale (DOGE). Une cure d'amaigrissement de l'administration constitue le moyen le plus rapide de réduire le déficit public. Et qui dit finances publiques plus saines, dit prime de risque de crédit et taux à long terme plus bas. La contraction du prix du pétrole, le recul des taux à long terme et la prolongation des réductions d’impôts accordées lors du premier mandat de Trump finiront par déboucher sur une croissance structurelle et un environnement non inflationniste. Ensuite, les assouplissements de la Fed suivront d’eux-mêmes…
La théorie est une chose. La pratique en est une autre. Bessent chante les louanges d'une baisse des taux à long terme depuis l’investiture de Trump : « le marché suit ». Les taux américains à long terme ont effectivement chuté d’environ 25 points de base (pb) au cours des trois dernières semaines et ces pertes ont été plus importantes que sur la partie courte de la courbe (15 pb). Notre lecture des faits est différente. Sur la même période, les anticipations d'inflatio aux États-Unis sont restées quasiment inchangées, à 2,4 %. La composante des taux réels s'est repliée en direction des 2 % et est à la base du recul du taux à 10 ans. L’interprétation moins positive est que cette baisse des taux longs constitue un premier avertissement à l’attention du président Trump. Il ferait mieux de veiller à ce que l'économie américaine ne paie pas le prix de ses sorties. La fonction de réaction des partenaires commerciaux américains est clairement différente de celle observée lors du premier mandat de Trump. La Fed a ici un rôle à jouer. Powell et ses collègues ne sont pas très enclins à modifier leur approche anti-inflationniste et pourraient, dans le pire des scénarios (de croissance), actionner un frein supplémentaire.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC
Correction du taux à 10 ans américain : bonne ou mauvaise nouvelle ?
