Pratiquement pas de réaction après la hausse de l’inflation dans l’UEM
Lors de sa réunion de politique de décembre, la BCE avait fait passer un double message. La révision à la baisse des projections de croissance et d’inflation conforte l'idée que l’inflation se dirige lentement mais sûrement vers l’objectif de 2 %, même si la forte progression des salaires et l’inflation des services ralentissent le processus. Mais malgré cela, la BCE a tout de même maintenu sa dépendance vis-à-vis des données, probablement pour rassurer les partisans d'une approche plus orthodoxe.
Le premier véritable test grandeur nature a eu ieu aujourd’hui avec la publication des taux d’inflation pour le mois de décembre. En raison d’effets de base défavorables, il était écrit que l’inflation allait encore s’écarter davantage de l’objectif de 2 %. Les chiffres parus en Espagne la semaine dernière (2,8 %, contre 2,4 %) et en Allemagne hier (0,7 % en glissement mensuel et 2,9 % en glissement annuel, comparé à 2,4 %) ont confirmé le rebond « technique ». Le chiffre global pour l’UEM s’est finalement établi à 0,4 % en glissement mensuel et 2,4 % en glissement annuel (contre 2,2 %). L’inflation de base sous-jacente a, pour sa part, encore du chemin à parcourir, avec 2,7 %. Et c’est a fortiori aussi le cas de l’inflation des services (4 %, contre 3,9 %).
Avec une approche basée sur les données, ce type de rebond est en principe scruté de près, avec une incidence possible sur les attentes du marché par rapport à la trajectoire des taux. La réaction est néanmoins restée limitée. Les taux d’intérêt poursuivent cependant la tendance haussière progressive entamée début décembre. Le marché situe désormais de nouveau le plancher du cycle d'assouplissement aux alentours de 2 % plutôt que 1,75 %. La correction haussière est portée par la partie longue de la courbe (qui devient plus raide), signe que d’autres considérations plus générales (nouveau contexte monétaire aux États-Unis sous l’ère Trump, déficits et besoins de financement élevés) pèsent également dans la balance. En raison de facteurs « techniques » plus favorables dans les mois à venir, les taux d’inflation plus élevés publiés aujourd'hui n'auront aucune incidence sur les baisses de taux prévues de la BCE (25 pb) en janvier et mars. Ensuite, le niveau du taux directeur neutre (2-2,25 % ?) pourrait de nouveau faire l'objet d'une analyse approfonfie sur la base des nouvelles projections communiquées en mars. Si l’économie européenne se porte mieux que redouté cette année ou si l’inflation demeure plus tenace que prévu, le marché pourrait encore relever le plancher de la trajectoire des taux. Pour l’instant, toute éventuelle nouvelle hausse des taux continuera d'être avant tout portée par les plus longues échéances.
Sur le marché des changes, le cours EUR/USD a réalisé un retour remarqué hier et aujourd’hui, en raison d’une correction du dollar. Le billet vert s'est replié suite à la parution dans le Washington Post d'un article selon lequel l’administration Trump envisagerait de cibler ses droits de douane sur les secteurs critiques pour la sécurité économique et la sécurité nationale. Trump s'est empressé de démentir cette information,mais son intervention n'a toutefois pas permis d'effacer toutes les pertes. Si l'on est en droit de se demander comment la prochaine sortie inattendue de Trump sera accueillie, la réaction d’hier suggère tout de même que les devises comme l’euro ont déjà intégré pas mal de mauvaises nouvelles liées au futur locataire de la Maison Blanche.