Fitch n'a plus aucune pitié pour la Belgique

Début février, l’agence de notation Fitch avait encore fait preuve de bienveillance vis-à-vis de la Belgique en procédant à une prolongation inhabituelle de ses perspectives négatives sur la notation AA-. Les débuts du nouveau gouvernement et l’élaboration du budget avaient été mis dans la balance avec le principe selon lequel les agences de notation décident de passer ou non à l’action au plus tard deux ans après un changement de perspective (en positif ou en négatif). Or, la note belge était sur la sellette depuis mars 2023. Le couperet est donc finalement tombé le vendredi 13. Pour la première fois, la notation belge passe du double A au simple A,soit de la catégorie de haute qualité à la catégorie moyenne supérieure. Les deux autres principales agences, Moody's et S&P, accordent encore provisoirement une notation Aa3 (équivalente à AA-) et AA à la Belgique avec, dans les deux cas, une perspective négative.
La décision s'explique par la trajectoire intenable des finances publiques. Le même sort avait déjà été réservé à la France (fin de l’année passée) et aux États-Unis (mois dernier). Depuis la pandémie, la situation ne cesse de se dégrader de manière significative, alors qu'elle n'était déjà pas fameuse au départ. Fitch estime que la ligne des initiatives actuelles n'est pas suffisamment claire et qu'elles ne permettront pas de s'orienter vers l’objectif de Maastricht d’un déficit budgétaire de maximum 3 % du PIB. Les effets de retour d’un certain nombre de mesures structurelles posent particulièrement question. Celles-ci représentent près d’un tiers du paquet d’économies annoncé (29,5 milliards d'euros). Le gros des efforts sera en outre fourni en fin de législature, ce qui a pour effet d'accroître l’incertitude et les risques de mise en œuvre. Les coûts liés au vieillissement de la population, les dépenses de défense et les charges d’intérêts sont aussi d’autres sources de préoccupation. Concrètement, Fitch s’attend à un déficit de 5,5 % du PIB pour cette année (contre 4,5 % l’année dernière). Et ce déficit continuera de fluctuer autour de 5 % au cours des prochaines années. Dans son communiqué, l'agence souligne que le déficit moyen des pays avec un simpe A- s’éleve traditionnellement à 2,6 % (double A : 1 %). Le taux d’endettement belge devrait continuer de grimper, de 104,7 % du PIB fin 2024 à plus de 110 % fin 2026. Et cette tendance à la hausse devrait se poursuivre par la suite.
La dégradation de la note n’est pas seulement un problème de prestige. Nous nous attendons à ce qu’elle entraîne une nouvelle hausse de la prime de risque de crédit de la Belgique par rapport au taux swap sans risque. Sur les échéances à 10 ans, cette prime se montent aujourd'hui à 55 points de base. Cette année, nous pensons qu'elle prendra la direction de l'actuel plus haut de l'année (73 points de base) et même le dépasser. Il s’agit des niveaux les plus élevés depuis le lendemain de la crise de la dette européenne en 2012. Le taux à 10 ans belge pourrait dans un premier temps tester le sommet de 3,7 % atteint en 2023. Notre raisonnement reste le même. Depuis la flambée de l’inflation de 2021-2022, le marché des taux n'est plus sous le sceau d'une politique monétaire accommodante. Sans les achats des banques centrales, la balance entre l'offre et la demande penche vers un retour
Prime de risque en plus du taux swap à 10 ans : Allemagne (vert), Belgique (orange) et France (bleu)
