Le rapport sur l’emploi renforce le plancher des taux

Les importantes statistiques américaines parues la semaine dernière étaient, en plus des taux d'inflation prévus demain et de l'indicateur de confiance des consommateurs (avec des sondages sur l’inflation) qui sera publié vendredi, les dernières données mises à la disposition de la Fed avant sa réunion de mercredi prochain.Et les premiers chiffres communiqués se sont révélés décevants. Les principaux indicateurs ISM de confiance des entreprises (comparables aux PMI européens) ont fait état d'une stagflation, tant dans l’industrie manufacturière que dans le secteur des services. Le marché du travail a subi un ralentissement. Le nombre de postes vacants ("JOLTS") a augmenté de manière inattendue, mais présente un décalage d'un mois (avril vs mai). En ces temps où tout évolue rapidement, ils perdent donc une partie de leur pertinence. Les demandes hebdomadaires d’allocations de chômage se trouvent quant à elles de l’autre côté du spectre. La dernière semaine de mai, elles ont bondi à 247.000, leur hausse la plus élevée depuis octobre de l’année passée. Le rapport mensuel sur l'emploi du cabinet de ressources humaines privé ADP n'a pas non plus été convaincant, avec à peine 37.000 postes créés.
La semaine s'est clôturée avec la parution vendredi du rapport officiel sur l’emploi US, les "payrolls". 139 000 nouveaux emplois ont été créés en mai, en ligne avec les 126 000 prévus. Sur le plan psychologique, la barre était toutefois placée plus bas sur le marché. La révision à la baisse cumulée de 95.000 pour mars et avril est donc facilement passée. La croissance des salaires s'est avérée un peu plus forte que prévu et le taux de chômage s’est stabilisé à 4,2 %. Nous restons particulièrement attentifs à ce dernier point. La hausse observée au second semestre 2024 avait déclenché la sonnette d'alarme à la Fed (sous la forme de la règle de Sahm) et a été à la base des réductions de taux cumulées de 100 pb (50-25-25) qui ont suivi.
Cette situation provisoirement compliquée sur le marché du travail facilitera un peu la tâche de la Fed la semaine prochaine, tout du moins sur le plan de la communication. Le statu quo (à 4,25 %-4,5 %) est en fait la seule option envisagable tant que l’économie ne déraille pas et que les incertitudes autour de l’impact du conflit commercial et de la "Big Beautiful Bill" de Trump demeurent à ce point élevées. Les chiffres de l'inflation de demain devraient constituer la dernière pièce du puzzle. Outre le fait que l'inflation reste supérieure à l’objectif de 2 %, c'est surtout sa composition qui est importante. Nous nous attendons aux premiers effets inflationnistes de la guerre commerciale dans, par exemple, l’inflation des marchandises. Cette répercussion des droits de douane sur le consommateur final à un moment où l'inflation est déjà trop élevée, constitue l’une des principales préoccupations de la Fed.
Le rapport sur l’emploi a fait grimper les taux américains (>10 pb) et renforce le plancher sous eux. Le taux à 2 ans avoisine de nouveau les 4 %. Pour un éventuel nouveau mouvement directionnel, il faudra maintenant surtout attendre les adjudications des obligations d'État américaines. L'émission d'emprunts à trois ans de ce soir sera suivie, demain et après-demain, par des émissions encore plus importantes de papiers à 10 et 30 ans. Plusieurs acteurs majeurs ont déjà annoncé la semaine dernière une grève des acheteurs pour les plus longues échéances, en raison des risques trop élevés qu'elles comportent. Aux États-Unis, une adjudication d’obligations d’État à 20 ans s'est déjà soldée par un échec le mois dernier.
Le taux américain à deux ans remonte en direction de 4 %. Plancher provisoirement solide.
