Pas de précipitation à la BoC

La Banque du Canada (BoC) a décidé de laisser son taux directeur inchangé à 2,75 % hier. Une minorité misait encore sur une "réduction par précaution" avec l'idée de donner plus d’oxygène à l’économie dans le contexte de la guerre commerciale avec les États-Unis.Cela n'a donc pas été le cas. Au contraire, le gouverneur, Tiff Macklem, a adopté un ton particulièrement pondéré. L’accent est mis autant sur les risques d’inflation que sur les risques pesant sur la croissance. L’incertitude ambiante pousse même à être moins dans l'anticipation et à plus se laisser guider par les faits.
Commençons par les faits en question. L’économie canadienne s'est mieux comportée que prévu au premier trimestre, avec une croissance annualisée de 2,2 %. Cette croissance s'explique évidemment entre autres par la vigueur des exportations en direction des États-Unis et par un phénomène de constitution des stocks en prévision des droits de douane. Mais les investissements sont également restés remarquablement importants. La demande des consommateurs a ralenti après une solide fin d’année, mais elle est tout de même restée positive malgré un recul de la confiance. Une contraction sera inévitable le trimestre prochain, vu que l’effet d'anticipation des droits de douane aura disparu, mais la BoC a néanmoins pris acte du fait que la demande intérieure est restée stable jusqu’à présent.
L'inflation est retombée à 1,7 % en avril, mais cela s'explique surtout par la suppression de la taxe carbone sur les produits énergétiques. Si l'on ne tient pas compte de cet effet fiscal, l’inflation est passée de 2,1 % à 2,3 %. L'inflation sous-jacente a également légèrement dépassé les prévisions. Dans ce contexte, la BoC s'est particulièrement concentrée sur les anticipations d'inflation. Tant les entreprises que les consommateurs s’attendent à ce que la guerre tarifaire pousse les prix/coûts fortement à la hausse. Et les entreprises ont clairement l’intention de répercuter ces coûts. L’inflation (les prévisions d'inflation) est plus que jamais dans le viseur de la BoC. Au sein du comité de politique, il y a donc eu un consensus pour laisser les taux inchangés. Macklem a en revanche reconnu que les avis divergeaient quant à la nécessité d'un nouvel assouplissement et la marge dont dispose la banque pour une telle intervention. Rien n'est donc encore décidé à ce sujet.
Le marché estime toujours la probabilité d'une nouvelle baisse de 25 points de base en septembre à 90 %, même si la conviction est un peu moins forte qu’avant la décision d'hier. Maintenant que le taux directeur se trouve en terrain neutre, la marge pour une nouvelle intervention restera étroite tant que la Fed maintiendra sa posture attentiste. Petit désagrément : les deux banques centrales prendront leur décision de politique le même jour en septembre, mais la BoC devra mettre ses cartes sur la table quelques heures avant.
Terminons par quelques mots à propos du dollar canadien. Le loonie – mis fortement sous pression par les droits de douane de son voisin et partenaire commercial américain – a testé son niveau le plus faible en plus de 20 ans lors du "Liberation Day" (zone USD/CAD : 1,47+). La devise a déjà depuis longtemps plus que récupéré ces pertes. Elle se rapproche même à nouveau des niveaux de septembre de l’année dernière, avant le "Trump trade" (période où, pour rappel, le dollar s'était renforcé !). Le net recul du cours USD/CAD en dit évidemment beaucoup sur la perte de confiance dans le dollar de Trump, que sur le loonie lui-même. Jusqu’à nouvel ordre, nous partons toutefois du principe que le dollar canadien ne pourra pas suivre des devises comme l’euro et le yen en cas de nouvelle vague de ventes de dollars américains.
USD/CAD: Dollar de Trump vs dollar de Carney : une question de confiance ?!
