La BoE s’apprête à réduire plus lentement la taille de son bilan

Lundi, Catherine Mann, membre de la Banque d’Angleterre (BoE), a ouvert les débats sur la réduction progressive du portefeuille obligataire. À l’instar de la BCE et de la Fed, la BoE a accumulé au fil des années une quantité considérable d’effets publics (principalement) à long terme. Elle a ainsi comprimé artificiellement les taux d’intérêt à long terme, dans le but de stimuler l’économie et une inflation trop faible (<2%). À la suite de la pandémie de covid (2022), le portefeuille obligataire de la BoE a atteint un record de 875 milliards de livres.
Tout comme la BCE et la Fed, la BoE est passée en marche arrière. Ce processus dit de resserrement quantitatif (QT) se déroule à un rythme plus rapide (relativement parlant) qu’ailleurs: aujourd’hui, le portefeuille ne s’élève plus qu’à 620 milliards de livres, soit 70% du niveau record. À titre de comparaison, le portefeuille obligataire de la BCE s’élève aujourd’hui à 4 000 milliards d’euros, contre un pic de 5 000 milliards d’euros. Et cela préoccupe Mann, car elle craint que cette réduction rapide ne réduise à néant une partie de l’assouplissement monétaire opéré via l’instrument de taux. Pour l’instant, la Banque d’Angleterre abaisse son taux directeur sur une base trimestrielle, une approche prudente pour éviter de réveiller l’inflation. Or, alors que la baisse du taux directeur entraîne une chute des taux à court terme, la réduction rapide du bilan provoque la hausse des taux à long terme. Cette approche paradoxale de freinage combinée à une accélération entrave l’impact de la politique monétaire sur l’économie. Et ce n’est pas un hasard si Mann s’inquiète à un moment où le taux à long terme est en forte hausse. En effet, le taux britannique à 30 ans a récemment atteint son niveau le plus élevé depuis 1998. C’est un phénomène généralisé, qui touche notamment aussi le Japon, les États-Unis et l’Europe: le retour des primes de risque de crédit en raison de la fragilité des finances publiques. Le marché s’est réveillé de sa torpeur due aux taux directeurs extrêmement bas couplés à des achats massifs d’obligations, qui ont systématiquement balayé la dette sous le tapis.
Chaque année, lors de sa réunion de politique de septembre (18 septembre), la Banque d’Angleterre fixe l’approche générale par rapport à la contraction du portefeuille pour l’année à venir. Jusqu’à présent, elle s’était fixé un objectif annuel de 100 milliards de livres. Pour y parvenir, outre les obligations qui arrivent à échéance, la BoE procède à des ventes actives. Cela exerce une pression sur l’extrémité longue de la courbe des taux, dont la BoE a d’ailleurs bien conscience. Lorsque le taux britannique à 30 ans a de nouveau bondi en avril, la banque centrale a ainsi substitué la vente prévue d’obligations à long terme par une vente d’obligations à court terme.
Si la BoE maintient son objectif annuel de 100 milliards de livres, la part des ventes actives passera de 13 milliards à environ 50 milliards. Il y a de fortes chances pour que la BoE suive le raisonnement de Mann et ralentisse le rythme à partir d’octobre. Cela devrait être une bonne nouvelle pour le Trésor britannique et sa gardienne Reeves, qui éponge les pertes inévitables subies par la Banque d’Angleterre lors des ventes. Mais… lors de la présentation de son premier budget à l’automne 2024, Reeves a adapté les règles fiscales de personne prudente et raisonnable pour se donner un peu plus de marge de manœuvre. Sans entrer dans les détails techniques, c’est justement cela qui fait qu’un ralentissement de la réduction progressive de la BoE rongera cette marge budgétaire déjà très limitée (10 milliards de livres). Selon une estimation, la facture s’élèverait à 4,3 milliards de livres: le summum de l’ironie britannique.
Portefeuille obligataire de la Banque d’Angleterre: ralentissement en vue?
