La BoJ offre trop peu de perspectives au yen
Le yen japonais poursuit sa marche vers ses plus bas niveaux en 34 ans par rapport au dollar américain, atteints fin avril. À l’époque, le cours USD/JPY était passé brièvement au-dessus de la barre de 160, avant de subir une forte correction à la baisse (jusqu’à USD/JPY 153), alimentée par le ministère japonais des Finances, via l'injection d'un montant colossal équivalant à 57 milliards d'euros. Mais de telles actions ponctuelles ont rarement des effets durables si rien ne change sur le plan fondamental. Le mouvement de vendredi dernier en est une nouvelle illustration.
Le mouvement observé fait suite à la décision de politique de la Banque du Japon. Comme prévu, la banque centrale a décidé de laisser la zone cible de son taux directeur inchangée à 0-0,1 %. Depuis que la BoJ a tourné la page des taux négatifs en mars, elle est restée extrêmement vague quant au timing d’un prochain relèvement. La BoJ veut d’abord s’assurer que l’inflation s'installe durablement aux alentours de son objectif de 2 %. Toutes les mesures sont supérieures à cet objectif depuis plus de deux ans, mais selon la BoJ, cela n’est pas encore suffisamment dû à la bonne raison, à savoir la hausse des salaires qui se traduit par une augmentation de la consommation. Mais la banque y croit de plus en plus. Elle fait notamment état d'une hausse des anticipations d'inflation. Ces dernières sont importantes pour les futures négociations salariales (« shunto» ). Les solides hausses obtenues en début d'année ont surtout servi à compenser la perte de pouvoir d’achat subie précédemment. Désormais, il faudra qu'elles reflètent les évolutions futures des prix (de préférence à un rythme de 2 %). Pour rassurer, le gouverneur de la BoJ, Ueda, a prudemment ouvert la porte à un relèvement de taux en juillet lors de sa conférence de presse. « Si les données le permettent. » Mais que pourra apporter un taux de 0,25 % au yen si d’autres devises majeures comme le dollar et l'euro rapportent respectivement plus de 5 % et 3,5 % en plus ? Et même si la Fed change prudemment son fusil d’épaule au second semestre, l’écart restera encore assez important pendant longtemps. Le cours EUR/JPY peut servir d’exemple. La BCE a déjà abaissé ses taux. Et même avec le repositionnement européen actuel - faut-il encore prévoir une prime de risque politique ? - la paire de devises se maintient près de ses plus hauts sur16 ans.
La normalisation terriblement lente de la politique se reflète également dans la stratégie d’achat d’obligations d’État. Actuellement, la banque centrale en achète encore pour 6 000 milliards de yens (+/- 35 milliards d'euros) par mois. Lors de la volée d’achats de la mi-mai, le montant proposé pour certaines échéances psychologiquement importantes (5-10 ans) s'est situé dans la partie inférieure des attentes. Cela a directement alimenté les spéculations : la BoJ a fait un premier pas vers la grande annonce en juin. Et cette fameuse annonce dit ceci : la BoJ présentera un plan détaillé de diminution systématique du rythme actuel en juillet. Durée prévue : 1 à 2 ans... Yen mis à part, la déception du marché s’est également manifestée sur le marché des taux japonais. Ainsi, le taux à 10 ans a à un moment chuté de 7 points de base (base journalière) pour atteindre son niveau le plus bas de début mai.