Nouvel avertissement du gouverneur de la Fed Waller
Comment prendre une longueur d’avance sur les mouvements de taux de cette année? Une approche judicieuse consiste à écouter le gouverneur de la Fed Christopher Waller, ou les membres de son fan club. Waller ne rechigne pas à dire les vérités qui dérangent, alors que le président de la Fed Powell pratique parfois la communication sélective. Au cours des premiers mois de l’année, Waller a mis l’accent sur le calendrier d’un premier abaissement des taux. La vision beaucoup trop optimiste des marchés s’inscrivait en porte-à-faux par rapport à l’instinct d’une grande minorité des membres de la Fed. Les données relatives à l’inflation étayaient le point de vue de Waller, qui accepte à ce jour le positionnement actuel d’un premier abaissement vers la fin de l’année (en décembre). Le taux américain à 2 ans est passé de 4,2% début février à 5% aujourd’hui. Nous maintenons notre point de vue selon lequel il s’agit d’une limite stricte, tant que le marché exclut formellement la poursuite du cycle de hausse des taux.
Vendredi dernier, Waller n’a plus discuté du moment où le premier abaissement pourra avoir lieu, mais plutôt du niveau du ‘taux neutre’. Chaque trimestre, les gouverneurs de la Fed procèdent à une estimation de ce taux d’équilibre théorique dans un scénario idéal de croissance tendancielle, de stabilité des prix et d’emploi maximal. Entre juin 2019 et décembre 2023, la prévision médiane est restée pratiquement inchangée, à 2,5%. En mars, elle a grimpé à 2,56% pour la première fois. Et dans le contexte post-Covid (politique monétaire, inflation plus élevée, volatilité accrue, démondialisation,…) 7 membres sur 19 l’estiment d’ores et déjà à au moins 3%. Nous nous attendons à ce que la médiane évolue dans cette direction. Nonobstant le renversement d’un certain nombre de tendances mondiales qui ont fait artificiellement baisser le taux neutre, c’est principalement dû à la politique budgétaire américaine intenable. Selon les estimations du Congressional Budget Office, le déficit budgétaire américain s’élèvera en moyenne à 6,7% du PIB dans les 30 prochaines années, ce qui propulsera le ratio d’endettement de 97% à 166% du PIB.
Waller envisage clairement un taux neutre plus élevé, mais le marché ne le suit pas encore tout à fait dans ce scénario. C’est pourquoi il met le doigt sur la plaie. Une nouvelle fois, la puissance du message réside dans sa simplicité. Waller renvoie au taux d’intérêt réel américain à 10 ans comme estimation de marché pour le taux neutre. Le taux d’intérêt réel correspond au taux nominal corrigé des anticipations inflationnistes; il s’élève actuellement à 2,2%. Le taux américain à long terme doit donc… augmenter! Tout d’abord pour combler l’écart avec la Fed (2,56%), puis pour lui emboîter le pas jusqu’à un taux neutre de 3%. La première étape nous amènera (en termes nominaux) au sommet de 2023 (5,02%), la deuxième à celui de 2007 (5,32%).
Quoi qu’il en soit, les premières d’obligations d’État émises (hier) depuis l’allocution de Waller (vendredi) ont été particulièrement lentes à s’écouler et ont entraîné des perturbations sur la partie longue de la courbe des taux (américaine). Le taux à 10 ans a grimpé d’environ 10 points de base (à 4,56%) et amorce un mouvement de rattrapage.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC