L’inflation américaine entraîne un test des niveaux de support
La Commission européenne (CE) se réjouit de l'impulsion positive donnée par de récents chiffres économiques tels que les PMI. Pour reprendre les termes de Paolo Gentiloni, commissaire européen à l’Économie, « l’Europe a tourné la page après une année 2023 très difficile ». Les nouvelles prévisions semestrielles pointent une accélération progressive de la croissance cette année et l’année prochaine.
Il y a néanmoins une différence entre les chiffres relatifs et les chiffres absolus. Après une période de stagnation, la zone euro a renoué avec la croissance au premier trimestre, mais celle-ci reste inférieure à son niveau tendanciel. Pour l’année civile 2024, la CE table sur un taux de 0,8 %, après 0,4 % en 2023. Pour l'année prochaine, la croissance est attendue à 1,4 %. Le consommateur est devenu le principal moteur de la reprise. Le marché du travail solide et la croissance des salaires entraînent une augmentation des revenus disponibles. Surtout maintenant que l’inflation n'évolue plus aux mêmes sommets. Selon la CE, celle-ci devrait passer de 5,4 % en moyenne en 2023 à 2,5 % cette année et 2,1 % en 2025. La croissance des investissements connaît une décélération à cause du cycle négatif dans la construction résidentielle, alors que la contribution des exportations nettes reste plutôt limitée en raison de l’accélération des importations.
À côté de la croissance, les finances publiques sont également passées à la loupe. Après quelques années exceptionnelles, les règles budgétaires du traité de Maastricht sont de nouveau d’application. Pour la zone euro, le déficit budgétaire devrait passer de 3,6 % du PIB à la barre des 3 % cette année et à 2,8 % en 2025. Ces chiffres masquent cependant d'importantes divergences au niveau des pays. À la mi-juin, certains d'entre eux se verront adresser un premier avertissement. Les chiffres publiés hier confirment ainsi que la Belgique est dans une situation délicate. La CE s’attend à ce que le déficit budgétaire de notre pays atteigne 4,4 % du PIB cette année, comme en 2023, et même 4,7 % en 2025. La France (5,3 % et 5 %), l'Italie (4,4 % et 4,7 %) et la Slovaquie (5,9 % et 5,4 %) figurent aussi parmi les contrevenants notoires.
Pour les marchés, des mises à jour de ce type constituent presque toujours un non-événement. Ce fut encore le cas hier: Ce sont les chiffres de l'inflation américaine (avril) qui ont dicté le tempo. Après un premier trimestre sur les chapeaux de roue, la croissance des prix a ralenti à 0,3 % en glissement mensuel tant pour le taux d’inflation global que pour l’inflation de base sous-jacente. La mesure d’inflation la plus pure (l'inflation des services sans les coûts de l'immobilier) a augmenté de 0,4 % en glissement mensuel. Bien que les chiffres soient presque entièrement conformes aux attentes du marché, les taux d’intérêt américains et le dollar ont continué de corriger pour atteindre des premiers niveaux de support cruciaux. Nous pensons que ceux-ci devraient tenir (taux à 2 ans : 4,7 %, taux à 10 ans : 4,4 % ; EUR/USD : 1,0880). Pour que le mouvement se poursuive, il faudrait que le marché mise à nouveau sur un abaissement des taux en été (juin, juillet). Or, cela ne cadre pas avec les récentes orientations des gouverneurs de la Fed. Les bourses américaines ont profité du climat de marché, avec de nouveaux records pour le Dow Jones, le S&P 500 et le Nasdaq.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC