La Chine farfouille dans la boîte à outils
La Chine a déjà fait parler d’elle à plusieurs reprises cette semaine en prenant des mesures supplémentaires pour sortir l’économie de son marasme. Le numéro deux mondial est enlisé dans une crise immobilière sans fin. Les consommateurs endettés perdent confiance et dépensent donc (trop) peu. La demande étrangère (exportations) laisse également à désirer, notamment en raison de la faiblesse de la croissance européenne. Et vu la hausse du protectionnisme à l’échelle mondiale, il n’y a pas beaucoup d’améliorations à espérer sur ce plan à court ou à moyen terme. Exemples types: les droits à l’importation américains récemment instaurés (ou relevés), l’enquête européenne sur les subventions illégales aux exportations… Au niveau intérieur, la faiblesse économique de la Chine se manifeste notamment par l’inflation extrêmement faible, à peine supérieure à zéro (0,3% en glissement annuel).
C’est une mauvaise nouvelle pour la Chine, qui s’est fixé un objectif de croissance de 5% lors du congrès annuel de mars. C’est autant que l’année dernière, mais à l’époque, le pays s’attendait à un rebond après l’année 2022 marquée par la politique zéro Covid. Sans intervention de la part des autorités, il sera extrêmement difficile d’atteindre les 5% cette année. Et le gouvernement le sait: l’une des mesures annoncées au mois de mars était l’émission des fameuses ‘obligations spéciales’ à très longue échéance (de 20 à 50 ans). Elles servent à financer des investissements spécifiques et sont émises au niveau central, afin d’épargner les caisses des pouvoirs locaux surendettés. Ce n’est que la quatrième fois que l’État émet ce type d’obligations: les autres émissions ont eu lieu après une opération de recapitalisation des banques d’État en 1998, avant la création d’un fonds d’investissement géré par l’État en 2007 et en réponse à la pandémie. Cette fois-ci, il s’agit d’un montant total de 1 000 milliards de yuans chinois, ce qui représente un petit pourcentage du PIB. Le calendrier de l’opération a été annoncé lundi. Elle commencera vendredi et se déroulera par tranches jusqu’en novembre. Selon la rumeur, elle pourrait aller de pair avec des mesures de politique monétaire… La banque nationale pourrait assouplir les réserves obligatoires des banques ce vendredi, ce qui injecterait des liquidités supplémentaires sur le marché et contribuerait à absorber l’émission d’obligations.
Par ailleurs, ce matin, une mesure de soutien un peu plus excentrique a été évoquée. Les autorités envisagent d’acheter des millions de maisons invendues via les administrations locales. Les promoteurs immobiliers devraient encaisser des remises importantes, mais ce serait toujours mieux que rien. Ensuite, les lotissements rachetés seraient convertis en logements sociaux pour les personnes moins fortunées. Cela permettrait du même coup d’éliminer l’énorme excès d’offre et la pression négative sur les prix. Un triple avantage, donc? En théorie, mais la Chine a essayé des actions similaires par le passé, pour à chaque fois manquer d’ambition sur le plan financier. Pour un impact notable, il faudrait entre 1 000 et 2 000 milliards de CNY, pour une valeur estimée de plus de 7 000 milliards CNY de logements qui prennent la poussière. Si la Chine décide de mettre en œuvre ce projet, nous nous attendons à ce que son ampleur soit communiquée lors d’une assemblée critique au mois de juillet (la troisième réunion plénière).
Cela nous semble plus un acte de désespoir qu’une mesure de soutien. Mais pour l’instant, les marchés accordent le bénéfice du doute au yuan chinois. Ce matin, le cours USD/CNY est retombé vers 7,22. Cependant, le yuan reste faible: en septembre dernier, la paire USD/CNY avait encore atteint un pic depuis 2008 (7,35), provoquant une certaine frustration en Chine. Il est extrêmement douteux qu’il s’agit du point de basculement. Pour une appréciation soutenue du CNY, il faudrait d’abord une amélioration marquée du contexte intérieur. De ce fait, si le cours USD/CNY s’affaiblissait encore, ce serait plus probablement dû au dollar américain.