Partie de ping-pong entre septembre et décembre
Mercredi dernier, la Fed a placé la barre plus haut pour l’abaissement de son taux directeur, mais se fixe toujours pour objectif d’adopter une politique moins restrictive. Cette nuance est importante. Par exemple, la gouverneure Bowman a été la première – et pour l’instant la seule – à s’exprimer après la conférence de presse de Powell. Jusqu’à la réunion de mai, elle suivait la ligne officielle de la Fed. Maintenant, elle ne précise pas où se situe l’accent: un abaissement des taux, une estimation de la durée pendant laquelle le pic actuel restera nécessaire, voire un relèvement des taux? C’est dans ce contexte, et en notant que les investisseurs ont déjà repoussé à décembre la perspective d’un premier abaissement, que nous interprétons les chiffres de vendredi (payroll et services ISM) et la réaction subséquente des marchés.
Selon le rapport sur le marché du travail du Bureau des statistiques de l’emploi américain, 175 000 nouveaux emplois nets ont été créés en avril. Cela porte le compteur à 40 mois consécutifs de croissance de l’emploi aux États-Unis. Cependant, le marché s’attendait à plus (240 000) et a dû faire face à une révision à la baisse cumulée de 22 000 unités pour février et mars. Le taux de chômage a légèrement augmenté, de 3,8% à 3,9%, le niveau le plus élevé depuis janvier 2022. Le niveau le plus bas de ce cycle (3,4%) offre une toile de fond. Les salaires ont progressé de 0,2% sur une base mensuelle et de 3,9% en glissement annuel. Le marché craignait une hausse plus forte (0,3% et 4%). Au mois d’avril, l’indice ISM des services est tombé de manière inattendue (de 51,4 à 49,4), passant sous la barre des 50 (le seuil entre croissance et contraction) pour la deuxième fois seulement depuis mai 2020. Les détails révèlent un ralentissement de la croissance de l’activité (de 57,4 à 50,9) et des nouvelles commandes domestiques (de 54,4 à 52,2). Les entreprises ont plus de marge pour proposer leurs services et la satisfaction n’est pas tout à fait au rendez-vous. Selon l’enquête ISM, il y a eu des pertes d’emplois pour le troisième mois consécutif, et à un rythme accéléré au mois d’avril (de 48,5 à 45,9).
Immédiatement après la publication des payrolls, les taux américains ont baissé de 10 points de base. Mais bien que le tableau esquissé par l’enquête ISM puisse faire déchanter les observateurs, les marchés ont rebondi par la suite. L’indicateur ISM partiel qui mesure la pression sur les prix s’est accéléré, atteignant ainsi le deuxième niveau le plus élevé de l’année dernière (de 53,4 à 59,2). Ce qui nous amène à la lutte qui se jouera dans les mois à venir: ralentissement de la croissance économique, inflation plus élevée. Ou encore: premier abaissement des taux en septembre ou premier mouvement en décembre? Tant que la Fed ne tranchera pas, la partie de ping-pong se poursuivra et la volatilité perdurera. Notre postulat de base reste que les niveaux de soutien sur le marché des taux (et en USD) seront plus forts que le seuil de résistance. À titre de références techniques, nous utilisons les niveaux d’avant la publication du taux d’inflation élevé de mars (publication du 15 avril) comme planchers (taux américain à 2 ans: 4,7%, taux américain à 10 ans: 4,4%), et les sommets récents comme plafonds (5,05% et 4,75%). Outre les communiqués de la Fed, l’enquête trimestrielle de la Fed auprès des responsables du crédit (SLOOS: publication ce soir) et les nouvelles émissions d’obligations d’État (titres à 10 et 30 ans mercredi et jeudi) pourront donner le ton cette semaine. Du côté du dollar, les mouvements sur le marché des changes évoluent en tandem avec les scénarios de taux. Vendredi, le cours EUR/USD a temporairement rebondi en direction de 1,08, avant de se stabiliser autour de 1,0750. Une fourchette de négociation similaire à celle du marché des taux se situe entre EUR/USD 1,06 et 1,0885.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC