La CNB relâche prudemment le frein monétaire
Hier, la banque centrale tchèque (CNB) a de nouveau abaissé son taux directeur de 50 points de base à 5,25 %. Après un démarrage prudent en décembre (25 pb), la banque a procédé à trois réductions de 0,5 %. Le processus de désinflation le permet. En février et mars, l’inflation se trouvait exactement au niveau de l’objectif de 2,0 %. On pourrait donc penser que la mission est accomplie et que l'on va pouvoir continuer à récolter les fruits de la politique monétaire menée. Pas du tout.La CNB n'a manifestement pas l'intention de lâcher la bride. Bien au contraire.
Pourquoi ne pas abaisser les taux davantage ou plus vite ? Même après la baisse d’hier, le taux directeur réel reste très positif/restrictif. De plus, la CNB a abaissé ses prévisions d’inflation. L’inflation générale se stabilisera à pas loin de 2 % cette année et l’année prochaine. L’inflation de base restera légèrement plus élevée (2,6 % cette année), mais le processus de désinflation se poursuit ici aussi.
Le président, Aleš Michl, et son comité de politique demeurent cependant méfiants par rapport aux risques de hausse de l'inflation. Dans un scénario défavorable, l’inflation pourrait de nouveau se diriger vers le haut de la fourchette de tolérance (2,0 % +/- 1,0 %) et il n’est pas dans l’ADN orthodoxe de la CNB de laisser faire. Ainsi, la banque craint toujours qu'après une période de forte inflation, les entreprises et les consommateurs ne regardent encore trop en arrière et continuent de se comporter en redoutant toujours une inflation élevée. Sur un marché du travail tendu, cela pourrait déboucher sur des exigences salariales excessives. En outre, l'inflation des services demeure aussi (trop) élevée. Et la diminution de l’inflation des marchandises a récemment été freinée par l'accès de faiblesse de la couronne. Pour ne pas laisser la monnaie se déprécier davantage, la CNB surveille de près le contexte monétaire global, et notamment les intentions de la BCE et de la Fed en matière de taux. Or, ces dernières n'ont clairement pas l'intention de brûler les étapes. Face à l'amélioration des perspectives de croissance (1,4 % cette année au lieu de 0,6 % ; 2,7 % l’année prochaine), rien ne sert de stimuler la demande via des taux bas.
Malgré l’évolution favorable de l’inflation, la CNB a fortement revu à la hausse la trajectoire attendue des taux par rapport à la projection précédente de février (4,25 % à la fin de cette année et 3,0 %-3,25 % à la fin de l’année prochaine). Elle estime aussi que le taux directeur neutre nécessaire pour ramener l’inflation aux alentours de 2 % dans une économie en équilibre est probablement plus élevé que les 3,0 % dont elle avait tenu compte jusqu’à présent. Bref, il est fort probable que la CNB décide de ralentir, et non accélérer, le rythme de ses baisses de taux. Et si le contexte général l’exige (« taux plus élevés pendant beaucoup plus longtemps » pour la Fed), une (longue) pause n’est même pas exclue cet été.
Après avoir atteint son niveau le plus élevé en plusieurs années en avril de l'année dernière, la couronne a payé le fait qu'elle risquait de perdre plus rapidement le soutien des taux par rapport à la Fed et à la BCE. La couronne s’est ainsi dépréciée, de EUR/CZK 23,20 à 25,50 en février de cette année. Mais les taux d’intérêt réels favorables commencent néanmoins à porter leurs fruits. Hier, après la communication restrictive de la CNB, la couronne s'est ainsi redirigée vers la barre de EUR/CZK 25,00. Sachant que les conditions monétaires ne devraient pas se resserrer de manière excessive (déjà beaucoup d’assouplissement de la Fed pris en compte) et au vu des taux réels favorables dans le pays, le pire est peut-être passé pour la couronne. Nous prévoyons une reprise progressive vers EUR/CZK 24,70/50 à la fin de cette année/au début de l’année prochaine.