Retour aux affaires courantes?
Ce matin, les investisseurs s’efforcent d’évaluer les conséquences de l’attaque iranienne contre Israël. Les relations entre les marchés et les tensions géopolitiques restent ambiguës: après un premier repositionnement, les bourses en reviennent souvent rapidement aux ‘affaires courantes’. Bien qu’il soit trop tôt pour tirer des conclusions définitives, la réaction première semble très ordonnée. Dans ce contexte, quels actifs sont susceptibles de (sur)performer, voire se positionner comme des valeurs refuges?
Pour l’instant, il n’est pas question d’aversion générale au risque. Sur les bourses asiatiques, les pertes sont restées limitées à 1% maximum. Les marchés européens s’ouvrent même en territoire légèrement positif. Une correction avait déjà eu lieu vendredi, suite aux avis de représailles imminentes de l’Iran: les bourses américaines ont perdu jusqu’à 1,5%. À l’approche du week-end, les obligations se sont relevées de l’effet coup de poing d’un taux d’inflation américain étonnamment élevé plus tôt dans la semaine. En fin de compte, la correction n’a pas dépassé 11 points de base en Allemagne et 7 points de base aux États-Unis. Les obligations d’État redeviendraient-elles des valeurs refuges?
Pas ce matin, en tout cas: l’attrait des obligations s’est estompé et les taux sont repartis à la hausse. Au-delà du fait que les marchés partent du principe d’un scénario sans véritable escalade (le cours du pétrole a même légèrement baissé), on peut se demander quel sera l’impact des tensions géopolitiques sur le processus de désinflation. Nonobstant la première réaction ‘calme’ du pétrole, il y a un risque de problèmes d’approvisionnement. Et depuis la pandémie, nous connaissons l’effet potentiel de ces perturbations sur la dynamique des prix et la fonction de réaction des banques centrales. À cet égard, ce matin, l’attention se porte sur une deuxième composante géopolitique: ce week-end, les États-Unis et le Royaume-Uni ont interdit au Chicago Mercantile Exchange (CME) et au London Metal Exchange (LME) d’accepter de nouvelles productions russes de cuivre, de nickel et d’aluminium. Les cours des métaux ont monté en flèche. L’impact final reste à voir, mais une fois de plus: cela ne facilitera pas le passage à une politique monétaire moins restrictive cette année. Dans ce contexte, les métaux rares – notamment l’or lors des tensions géopolitiques – peuvent mieux prétendre au statut de ‘valeur refuge’ que les obligations d’État.
Sur le marché des changes, il n’y a pas encore d’alternative au dollar. À long terme, les tensions entre les États-Unis et des pays comme la Chine et la Russie affaibliront son statut comme devise de réserve pour les banques centrales non occidentales. Mais à court terme, le billet vert bénéficie toujours du soutien confortable des taux d’intérêt (réels). Grâce à la résilience de l’économie américaine, la Fed est mieux placée que d’autres banques centrales (comme la BCE) pour faire face à un rebond de l’inflation de l’offre (dû à des facteurs géopolitiques) avec une politique anti-inflation orthodoxe. Vendredi, le cours EUR/USD est tombé en deçà de la ligne de rupture et du plancher annuel de 1,0695. D’un point de vue technique, la voie est libre vers 1,0448, le plancher de 2023. Et le yen? Dans un contexte de taux bas, la devise japonaise jouait encore un rôle de valeur refuge sur le marché des changes, mais cela relève désormais de la préhistoire financière. Le cours USD/JPY se dirige vers 154, son niveau le plus faible en 34 ans. L’ère des valeurs refuges avec des taux réels profondément négatifs est loin derrière nous.