À la recherche d'une « vraie » pénurie...
L’or est le sujet du moment. Pas uniquement au sein de la communauté financière, mais aussi dans les médias en général. Pourquoi de tels cours records ? C'est simple. Parce que la demande dépasse l’offre. Et les arguments en faveur d'une hausse de la demande sont avancés. Les tensions géopolitiques alimentent ainsi la quête d'actifs considérés comme sûrs. Par ailleurs, les banques centrales, surtout des pays non occidentaux (Russie, Chine...), veulent diversifier leurs réserves par rapport au dollar ou à l’euro, étant donné le risque de voir celles-ci bloquées ou même confisquées dans ce contexte de tensions géopolitiques. Pourtant, ces facteurs ne constituent vraisemblablement qu'une partie de l’explication. Les incertitudes géopolitiques ne sont pas neuves et les actifs à risque se portent (très) bien. Les bourses touchent des sommets qui n'avaient plus été atteints depuis des années (UEM) ou battent même de nouveaux records historiques (États-Unis, Japon). Manifestement, les investisseurs ne se tournent pas encore en masse vers les actifs extrêmement sûrs. Il est vrai que (certaines) banques centrales augmentent le poids de l’or dans leurs réserves. Mais nous serions étonnés qu’elles en achètent de manière agressive au vu des niveaux historiques des cours. Nous pensons plutôt qu'elles opteront pour une stratégie « buy-on-dips » (profiter des baisses pour acheter) sur le long terme. Conclusion : la demande joue certainement un rôle, mais elle n’explique pas tout.
Examinons l’offre « relative » d’or sous l'angle monétaire financier. Avec le temps, l’or a réussi à renforcer son statut de valeur de réserve. Il est impossible d'en produire énormément plus en un court laps de temps. Il en va de même (dans un certain horizon temporel) pour la plupart des autres matières premières. Comme nous avons encore pu le voir récemment, les perturbations dans l'offre de café, de cacao et d’autres matières premières ne peuvent pas être réglées du jour au lendemain. Le prix vient alors rééquilibrer les choses.
À côté de l’or, les liquidités et les obligations (d’État) de qualité constituent aussi des alternatives traditionnelles pour ceux qui sont à la recherche de sécurité financière. Ces actifs souffrent néanmoins d'un « problème d’image » lorsque l'on parle de pénurie. L’ère de l’assouplissement quantitatif nous a montré que les liquidités pouvaient, à tout moment, être imprimées « à l'infini ». Les banques centrales tentent certes de réduire l’excédent massif de liquidités, mais elles ont aussi l'intention de maintenir une « réserve » structurelle suffisamment importante sur le marché. Si une nouvelle crise venait à frapper, elles n'hésiteront certainement pas à rouvrir les vannes. En termes de pénurie relative, l'or l'emporte donc haut la main.
Pour les obligations (de qualité), les cartes sont, en théorie, plus favorables. Outre la sécurité, celles-ci offrent aussi à nouveau un taux d’intérêt positif (même en termes réels). Un tel coupon ne peut pas être obtenu avec l'or. Les prix du métal jaune et des autres matières premières sont donc souvent inversement corrélés aux taux d’intérêt réels. Pourtant, l’or se porte toujours bien, malgré un taux d’intérêt réel positif (ex. : 2 % sur les bons du Trésor américain à 10 ans). Il est toutefois possible que ce taux réel soit en fait le reflet de quelque chose dont vous n'avez pas vraiment envie lorsque vous êtes à la recherche de la sécurité ultime : une prime de risque. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les obligations et les bons du Trésor américains extrêmement sûrs (ou du moins considérés comme tel) ne sont pas menacés de pénurie. Ainsi, le chien de garde budgétaire américain (CBO) a récemment fortement revu à la hausse ses prévisions concernant les déficits et l’endettement. Même les États-Unis visent un taux d'endettement supérieur à 150 % du PIB. Pas de pénurie donc, et peut-être pas non plus quelque chose qui sera remboursé de manière orthodoxe/réelle. Ce taux réel n’est peut-être pas plus qu’une prime de risque/d’inflation d’un actif qui, en raison d’un équilibre offre-demande défavorable, voit son prix baisser et risque d’être encore davantage mis sous pression. Dans un contexte de liquidités toujours abondantes et de primes de risque, la pénurie est et reste un atout important, que ce soit pour l’or ou pour d'autres actifs qui ne peuvent pas être créés d'un coup de baguette magique.