Clair et précis
Le président de la Fed, Jerome Powell, n'est pas un homme très loquace. Il maîtrise l’art de la simplicité. Une matière complexe comme la politique monétaire doit être présentée de manière accessible. En quelques mots. Dans l’esprit du temps. Son suivi est garanti. Fed Waller est fan. « What’s the rush? »
Hier, l'allocution semestrielle devant le Congrès américain a brillé par sa simplicité. Powell s'est inspiré de l’année dernière. En donnant immédiatement le ton. Il y a un an, il avait commencé son discours par un vigoureuse mise en garde vis-à-vis de l’inflation. Hier, il a insisté sur le double mandat de la banque centrale : la stabilité des prix et le plein emploi. L’inflation ralentit, mais la Fed attend encore un peu plus de preuves tangibles avant de commencer à abaisser son taux directeur. « What’s the rush ? » Un affaiblissement du marché du travail pourrait donner un coup d'accélérateur. Malgré la faiblesse des composantes dans les récentes enquêtes ISM, le marché n'anticipe rien de tel. Chat échaudé craint l'eau froide. En outre, les données financières (taux hypothécaires, taux de change, primes de risque de crédit), bourses...) ne se sont pas améliorées depuis août 2022. La dernière chose que la Fed veut est de donner encore plus de souffle à la croissance avant que l’inflation n’entre dans la dernière ligne droite vers son objectif de 2 %. Lors de ses dernières interventions, Powell a validé la ligne adoptée en décembre : un abaissement de taux de 75 points de base au total, sous la forme de trois réductions de 25 points de base. Il est frappant de constater que la plupart des membres de la Fed sont sur la même longueur d'onde. Raphael Bostic, le patron de la Fed d'Atlanta, a levé un autre coin du voile :la banque ne modifiera pas ses taux à chaque réunion. La Fed voudra probablement faire coïncider ses baisses de taux avec les mises à jour des prévisions de croissance et d’inflation : en juin, septembre et décembre. En attendant, c'est la réduction progressive des portefeuilles obligataires qui est actuellement sous la loupe. Pour le moment, celle-ci tourne en pilotage automatique, à un rythme d’environ 95 milliards de dollars par mois. Rien ne changera dans les prochains mois, mais la Fed veut fixer certains jalons qui serviront à ralentir la cadende dans le futur. Clair et précis. Et ici aussi : chat échaudé craint l'eau froide. Il y a quelques années, la Fed s'était montrée un peu trop excessive dans l'absorption des liquidités excédentaires. Avec toutes les conséquences que cela avait impliqué.
Le discours clair de la Fed a pour avantage de favoriser la stabilité du marché. D’autant que ce dernier peut aussi compter sur les données économiques. Le marché des taux américains ne se montre aujourd'hui que légèrement plus agressif que la Fed. Pour la confirmation officielle, il faut attendre la réunion de politique du 20 mars. La faiblesse de la volatilité et les records boursiers ont poussé le cours EUR/USD dans le haut de la fourchette comprise entre 1,07 à 1,09. Il sera probablement difficile d'engranger de nouveaux gains avant la prochaine réunion de la BCE. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, aura du mal à maintenir la vision du marché d’un premier abaissement de taux avec une baisse des perspectives de croissance et d’inflation. Même si elle ne criera pas encore de victoire. Pour la BCE, l’issue des négociations salariales du premier trimestre est cruciale.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC