Encore une banque à contre-courant?
Les banques centrales de pratiquement toutes les économies développées se trouvent dans une phase de transition. Les cycles de hausse des taux sont plus que probablement derrière nous. L'objectif est maintenant de trouver quand démarrer le cycle d'assouplissement et à quel rythme abaisser les taux. À ce propos, l’une des préoccupations est que le marché aille trop vite en besogne. Une baisse trop rapide des taux du marché pourrait freiner le processus de désinflation avant que l’objectif ne soit réellement atteint.Il faut donc savoir gérer les attentes. C’est d'ailleurs la raison pour laquelle certaines banques centrales ne parlent pas encore officiellement de baisses de taux et examinent combien de temps les taux devront encore rester restrictifs. Seules quelques-unes (ex : la Reserve Bank of Australia) laissent encore la porte ouverte à un « dernier » resserrement. Le marché ne voit dans cela rien de plus que de la communication tactique et table quoiqu'il arrive sur une réduction des taux, dont le timing pourra varier en fonction des données. Une banque centrale fait néanmoins depuis peu figure d'exception : la Reserve Bank of New Zealand (RBNZ).
Conformément à la « philosophie » mentionnée ci-dessus, le marché monétaire anticipait en début d'année un premier abaissement des taux en mai, même si la RBNZ a indiqué dans son dernier rapport de politique que les taux pourraient encore être relevés si l’inflation restait trop élevée pendant trop longtemps. Pour la RBNZ, il faudra peut-être attendre au moins jusqu’au premier semestre de 2025 pour pouvoir envisager une réduction des taux. Pour le marché, la combinaison d’une croissance médiocre (recul de -0,3 % en glissement trimestriel au troisième trimestre et risque d'une croissance quasiment nulle voire d'une contraction au quatrième trimestre de 2023 et au premier trimestre de cette année) et d’un ralentissement progressif de l’inflation (0,5 % en glissement trimestriel et 4,7 % en glissement annuel au quatrième trimestre) pourrait faire changer d'avis la RBNZ.
De récents commentaires du président, Adrian Orr, et d’autres membres du directoire montrent toutefois une autre logique. Tout d’abord, à 4,7°%, l'inflation reste loin de l'objectif de 2,0°%. En outre, la RBNZ se concentre avant tout sur l’accomplissement de son mandat lié à l’inflation, et pas sur la préservation de la croissance. Plus encore, la combinaison d’une faible croissance et d’un taux d'emploi toujours élevé pourrait se traduire par une faible productivité. Toutes choses étant égales par ailleurs, cela alimente l'inflation.
La RBNZ tient en outre compte de l’accroissement de la population. La reprise de l’immigration après la pandémie fait non seulement gonfler l'offre de main-d'œuvre, mais elle soutient également la demande. Cela se ressent surtout au niveau des prix sur le marché de la construction et de l’immobilier. La prochaine réunion de politique de la RBNZ aura lieu le 28 février.La RBNZ va-t-elle se contenter d'aboyer ou va-t-elle vraiment commencer à mordre ? Une grande banque locale anticipe d’ores et déjà de nouvelles hausses de taux, à 6,0 % pour l’été. La Nouvelle-Zélande est une petite économie qui évolue dans un contexte spécifique (intérêt de la migration). Il s’agit néanmoins d’un cas intéressant. D’autres pays/régions peuvent également être confrontés à une combinaison de faible croissance et de faible productivité qui maintient l'inflation élevée plus longtemps que prévu.
Encore quelques mots à propos du dollar kiwi. Celui-ci ne profite (provisoirement°?) que d'une manière limitée du soutien des tauxsur la partie courte de la courbe. Le marché évoque ici une erreur de politique. Selon lui, le maintien d'une politique (plus) restrictive débouchera inévitablement sur une récession, qui obligera de toute manière la RBNZ à rapidement abaisserses taux (après l’été par exemple). Une nouvelle illustration de la manière dont la logique de marché et la logique économico-financière peuvent parfois fortement diverger.