Prix du pétrole à son plus haut niveau depuis octobre
Hier, le cartel des pays exportateurs de pétrole appelé OPEP+ a décidé de maintenir ses restrictions de production actuelles. Les volumes seront encore réduits d'environ deux millions de barils par jour au moins jusqu'à la réunion de juin. Cette décision n'a surpris personne, mais nous profitons de cette occasion pour revenir sur l'évolution récente du cours du pétrole.
Tout comme son alter ego doré, l’or noir se porte très bien depuis le début de cette année. Début janvier, le baril de pétrole brut Brent (la référence mondiale) s'échangeait à un peu plus de 75 dollars. Trois mois plus tard, le cours a grimpé d’environ 20 % pour atteindre un peu moins de 90 dollars hier, son niveau le plus élevé depuis fin octobre. Cette hausse est certainement en partie due à la politique menée par l’OPEP+. Sous la houlette de l’Arabie saoudite, le cartel entretient en effet une pénurie artificielle sur le marché. La raison est simple : selon une récente estimation du FMI, l’Arabie saoudite a besoin d’un baril à environ 85 dollars pour équilibrer son budget. Le Royaume est actuellement en train de transformer son économie en se tournant davantage vers le tourisme. Les attaques menées par l'Ukraine sur des raffineries russes ces dernières semaines et les tensions dans le canal de Panama et le canal de Suez accentuent encore l’effet sur les prix du côté de l'offre.
Du côté de la demande, les États-Unis jouent un rôle particulièrement important. Le moteur de l'économie mondiale absorbe d’importantes quantités de pétrole. Et le gouvernement n’a pas encore vraiment commencé à réapprovisionner ses réserves stratégiques. Abstraction faite du creux de 2023, ces stocks se trouvent à leur niveau le plus bas depuis 1983. La Chine est actuellement toujours à la traîne, mais elle a vraisemblablement atteint son plus bas. Ce constat vaut aussi de plus en plus pour l'Europe, si l'on en juge par les révisions haussières, parfois fortes, des indicateurs PMI des entreprises (mars) ces derniers jours.
Tout ceci a eu une incidence sur le sentiment au sein de l'Agence internationale de l’énergie (AIE). Ce pendant de l'OPEP côté consommation a relevé ses prévisions concernant la demande à la mi-mars et estime que le cartel pétrolier prolongera ses coupes de production jusqu’au second semestre. Pour cette année, l’AIE prévoit désormais une pénurie de pétrole plutôt qu'un excédent.
La hausse des prix pétroliers pourrait avoir de lourdes conséquences. L'année passée, le vecteur plus large de l'énergie avait fortement contribué à la désinflation. Il s'agissait de la partie simple du processus. Mais l'effet s'atténue de mois en mois. Si le prix du pétrole se stabilise autour des 90 dollars le baril, la contribution à la comparaison en glissement annuel de l’inflation redeviendra même positive sur une grande partie de 2024. Et nous ne parlons même pas encore des répercussions sur les composants sous-jacents, où les prix augmentent encore trop rapidement aux yeux de nombreuses banques centrales, et en particulier de la Fed et de la BCE. Le message délivré par l’ISM américain hier n'en est donc que plus marquant. Après un net recul des prix des intrants en mars, l'institut qui publie les indicateurs de confiance des entreprises de référence outre-Atlantique ne voit plus vraiment de marge de contraction dans le secteur des services, étant donné la hausse des coûts des carburants. Bon à savoir aussi : l’inflation des services fluctue entre 4,9 % et 5,2 % depuis septembre 2023 aux États-Unis. En Europe, elle s'est stabilisée à 4 % depuis novembre.