L’aphorisme de Carville hante la MNB
‘Avant, je me disais que si je pouvais me réincarner, je voudrais être président, pape ou joueur de baseball avec une moyenne de 0,400. Mais maintenant, je voudrais me réincarner en marché obligataire. J’intimiderais tout le monde.’ Ce célèbre aphorisme de James Carville, qui avait été conseiller politique du président américain Clinton, sera peut-être plus pertinent que jamais après le 5 novembre. En fait, remplacez ‘marché obligataire’ par ‘forint hongrois’ et ‘tout le monde’ par ‘la Banque nationale hongroise‘, et vous aurez une assez bonne description de l’ambiance au 1013 Budapest, Krisztina körút 55.
Lors de sa réunion d’hier, la Banque nationale hongroise (MNB) a laissé son taux directeur inchangé à 6,5%. Ce n’est que la deuxième fois que la MNB suspend le cycle de baisse des taux. Après sa réunion de septembre, elle envisageait encore d’autres abaissements aux trois réunions restantes de cette année. Le réflexe, celui de rattraper le taux de change, est le bon. Depuis le début du mois, le cours EUR/HUF cote à nouveau au-dessus de 400, une zone psychologique et technique clé. Si le cours EUR/HUF perce le plafond, il pourra directement grimper à 420; à ce moment-là, nous ne nous demanderons plus si, mais quand le HUF battra son record actuel de 434 (octobre 2022). Eu égard la faiblesse du HUF, Barnabás Virág, le gouverneur adjoint et porte-parole de la banque centrale, a révisé la ligne de politique en profondeur. De ‘encore deux à trois abaissements de taux’, nous sommes passés à ‘une pause de longue durée’. Même si, pour la communication officielle dans sa déclaration de politique d’hier, la MNB a retenu une version plus diluée. Pour 2024, nous attendons encore tout au plus un seul abaissement en décembre – et uniquement si le forint y consent.
La stabilité financière occupe toujours une place prépondérante dans l’analyse de Budapest. Lorsque la devise est sous pression, comme c’est le cas aujourd’hui, ce facteur prend même pas sur la stabilité des prix. Après tout, du seul point de vue de l’inflation, les directives initiales formulées en septembre restent tout à fait pertinentes. L’évolution du niveau des prix depuis lors a été plus ou moins conforme aux prévisions émises dans ce rapport de politique. C’est aussi pourquoi la MNB n’a pas révisé ses prévisions de fin d’année, à ± 4% pour l’inflation générale et ± 5% pour l’inflation de base.
Cette stabilité financière ou, pour faire court, le forint, dépend essentiellement de deux facteurs souvent étroitement liés: l’appétit pour le risque et la politique (monétaire) étrangère. La MNB évoque l’incertitude géopolitique latente comme circonstance aggravante pour le forint. C’est possible, bien que d’autres segments de marché en témoignent assez peu: par exemple, la principale bourse hongroise (BSE) cote encore à un cheveu de son niveau record de la semaine dernière. La véritable explication réside plutôt outre-Atlantique et dans le repositionnement marqué du marché, à la fois vis-à-vis de la politique de la Réserve fédérale et en ce qui concerne l’avenir après les élections présidentielles américaines. Le pas de 50 pb entrepris par la Fed en septembre était-il excessif et prématuré? Trump va-t-il bientôt ouvrir les vannes financières et fermer les portes au commerce international? Ces questions tiendront le marché en haleine au moins jusqu’au 5 novembre. Bonne nouvelle pour les taux américains et le dollar; plutôt mauvaise nouvelle pour la MNB et le forint.