‘Forcée’ par les données?!

La BCE décidera de sa politique ce jeudi. Par rapport à la réunion du 12 septembre, le monde semble avoir étonnamment changé ou en tout cas, être perçu tout à fait autrement. Quoi qu’il en soit, il serait surprenant que la BCE n’abaisse pas le taux d’intérêt de la facilité de dépôt de 25 points de base à 3,25%. Pour beaucoup, c’est une ‘conséquence logique’ de son approche fondée sur les données, même si cela reste sujet à discussion…
Revenons au 12 septembre: après une pause en juillet, la BCE abaisse le taux d’intérêt de la facilité de dépôt de 25 pb, pour la deuxième fois au cours de ce cycle. Comme en juin, cet abaissement est allé de pair avec la publication de nouvelles perspectives, qui ne diffèrent pas beaucoup de celles du début de l’été. La croissance est en légère baisse. L’inflation de base a quelque peu augmenté, mais rien d’extravagant. L’inflation se rapproche des 2%, ce qui permet d’assouplir progressivement la politique. Entre les réunions de septembre et octobre, il n’y a eu qu’une seule mise à jour mensuelle des données sur l’activité (PMI) et l’inflation. Comme il y avait peu de nouvelles à attendre, une nouvelle étape en octobre paraissait improbable… Elle aurait pu advenir en décembre, après la mise à jour économique suivante.
Mais comme nous le savons, entre-temps, les choses ont changé. La dépendance aux données s’est avérée un mécanisme beaucoup plus contraignant que prévu. Avec une confiance PMI extrêmement faible, l’économie européenne est sur la voie de la contraction. La baisse de l’inflation en dessous de 2% n’a surpris personne et reste en principe ponctuelle (l’inflation de base est restée obstinément élevée, à 2,7%). Mais les marchés interprètent la ‘dépendance aux données’ comme un engagement à agir sur les chiffres. Ils l’ont rapidement manifesté et, à quelques exceptions près, les membres de la BCE leur ont emboîté le pas. Aux États-Unis aussi, le ‘diktat’ de la dépendance aux données a entraîné une forte revalorisation – bien que dans l’autre sens. Après tout, quand vous appliquez encore une politique restrictive, il n’est pas illogique d’accélérer les mesures d’assouplissement après la publication de mauvaises données. Idem pour une prochaine étape éventuelle en décembre (bien qu’avec ces données, on ne sache jamais…).
Pour une banque centrale (qu’il s’agisse de la BCE ou de la Fed), il est tout sauf agréable d’être bousculée par les données (et l’évolution rapide des attentes du marché): cela devient une source de volatilité. En effet, si tout dépend des données, que faire en cas de poussée inflationniste? Et à mesure que les taux évoluent vers un niveau plus neutre, l’exercice devient encore plus difficile. Il serait peut-être temps de ‘cadrer’ à nouveau un peu la dépendance vis-à-vis des données avec une sorte de… forward guidance! Dans un environnement de taux bas, cet ‘instrument’ avait pour but de ne pas laisser s’emballer trop vite les attentes du marché. Par exemple, cela pourrait être utile pour éviter qu’il ne réajuste brutalement ses prévisions quant au plancher du cycle des taux sur la base des données mensuelles (voir le graphique ci-dessous). En effet, ce plancher est plutôt déterminé par un horizon de prévisions plus long et/ou des facteurs structurels. Outre la justification de la courbe par rapport au mois dernier, nous sommes donc curieux de savoir si/comment la BCE tentera de se défaire du carcan des données à court terme, source d’une volatilité importante. Quoi qu’il en soit, nous resterons prudents dans nos prédictions du rythme des abaissements après décembre, tant pour la BCE que pour la Fed.
Geldmarktcurves vorige ECB-vergadering (blauw), na de data (rood) & nu (zwart): volatiliteit troef.
