La Fed dirige-t-elle le marché ou le marché dirige-t-il la Fed?
Le verdict est tombé: 50 points de base. Comme son président Powell l’avait indiqué à Jackson Hole, la Fed a viré de bord. Le maintien du plein emploi prend le pas sur la lutte contre l’inflation. Il est vrai que celle-ci est encore trop élevée, mais la politique toujours restrictive y remédiera. Du reste, Powell a pu faire comme il l’entendait: seul un gouverneur aurait préféré un démarrage prudent à 25 pb. Un détail de l’histoire (nouvelle).
Naturellement, un pas aussi ‘déterminé’ crée certaines attentes. Le président de la Fed et par extension, le comité de politique se sont efforcés de les tempérer, en soulignant que 50 pb n’était pas officiellement le nouveau rythme. Il s’agira plutôt d’un calibrage progressif vers une politique plus neutre, calibrage qui dépendra des données. Aurions-nous déjà entendu cela quelque part? Les nouvelles prévisions agrégées des gouverneurs individuels (les ‘dots’) soutiennent ce point de vue. Les gouverneurs de la Fed ont revu à la baisse la prévision médiane pour le taux directeur à la fin de l’année, de 5,125% à 4,375%: cela représenterait ‘seulement’ deux abaissements supplémentaires de 25 pb pour les réunions restantes de cette année. Pour l’année prochaine, la prévision médiane est tombée de 4,125% à 3,375%, et pour 2026, elle est passée de 3,125% à 2,875%. Ce n’est pas rien, mais cela reste nettement inférieur aux attentes du marché pour l’année prochaine (2,875%). Les nouvelles prévisions de croissance et d’inflation mettent en avant une croissance solide de 2% sur la période 2024-27. L’inflation PCE devrait diminuer un peu plus vite que prévu en juin (2024: de 2,6% à 2,3%, 2025: de 2,3% à 2,1%), mais ne devrait atteindre l’objectif de 2% qu’en 2026/27. Ayant décidé d’accorder la priorité au marché du travail, la Fed a relevé le taux de chômage attendu pour 2024 et 2025 à 4,4%, au-dessus du niveau ‘neutre’ avec un taux d’emploi maximal de 4,2%. Bien sûr, les perspectives des gouverneurs de la Fed prennent aussi forme au fil du temps.
Suite à cette ‘grande étape’, les marchés sont restés étonnamment sereins. Les taux américains ont baissé dans un premier temps, pour finir par grimper légèrement (taux à 2 ans: +1,5 pb, taux à 30 ans: +6 pb). Le marché attend des chiffres supplémentaires avant de présumer à nouveau sur la base des indications prudentes des ‘dots’. Malgré l’attitude réservée de la Fed, nous partons du principe que la fonction de réaction des marchés restera encore égale à elle-même pendant un certain temps. Si les données relatives à l’activité économique déçoivent, les investisseurs se prendront vite à rêver à un calibrage accéléré de la politique, Powell lui-même ayant admis qu’elle reste restrictive et bien supérieure au taux neutre. Les considérations tactiques qui ont dominé le débat jusqu’ici resteront au premier plan. Si le marché anticipe un nouveau pas de 50 pb, par exemple à la suite de payrolls médiocres, la Fed pourra-t-elle/voudra-t-elle s’y refuser? Powell a déjà indiqué qu’il ne voulait pas être ‘behind the curve’. Sur ces bases, nous maintenons notre prévision de deux abaissements de taux similaires en novembre et en décembre.
D’autres segments de marché aussi sont restés relativement calmes (jusqu’ici). Le dollar a brièvement piqué du nez, mais des niveaux de support clés (EUR/USD 1,1202, USD/JPY 140,25) se maintiennent pour l’instant. Avec notre scénario de taux à l’esprit, nous anticipons de toute manière un schéma sell-on-upticks pour le billet vert. Et les bourses? Elles se sont initialement réjouies de l’assouplissement monétaire. Le Dow et le S&P 500 ont manifesté leur reconnaissance en touchant de nouveaux sommets, mais ont finalement clôturé en légère baisse. Quant à savoir si la Fed souhaite un nouveau rallye des actifs à risque, c’est une autre histoire.