Fed: causerie d’après match
Hier, nous avons évoqué les considérations tactiques de la Fed en faveur d’un premier abaissement de taux de 50 points de base. Aujourd’hui, nous nous tournons vers le jour d’après: que pourra-t-il se passer après ce départ sur les chapeaux de roues et qu’est-ce que cela signifiera pour les marchés financiers?
Il y a deux scénarios, un pour le restant de 2024 et un pour 2025. Une entrée en matière à 50 pb serait la voie royale vers des décisions similaires en novembre et en décembre. Or le marché n’y est pas encore préparé. Même si les nouvelles prévisions des gouverneurs de la Fed suggèrent qu’il y aura des abaissements supplémentaires cumulés de 75 points de base cette année, ce n’est qu’une question de temps avant que le marché monétaire américain n’estime qu’il y en aura encore davantage. Après tout, le président Powell a été clair: ‘the direction of travel is clear.’ Dans ce contexte, les marchés resteront à l’affût de mauvaises nouvelles au niveau des données relatives à l’activité et au marché du travail dans les mois à venir. Cette attention portée aux évolutions à court terme maintient la pression sur les taux américains à courte échéance et sur le dollar. D’un point de vue technique, le billet vert a amorcé une descente vers des niveaux de support décisifs. Pour le dollar pondéré des échanges commerciaux (DXY; 100,63), il s’agit de 100,51 (plancher annuel)/99,58 (plancher de 2023)/98,98 (retracement de 62% sur la hausse du dollar entre 2021 et 2022). Les niveaux comparables en EUR/USD (1,1135) sont 1,1202/1,1274/1,1276. Pour le cable (GBP/USD), l’aspect technique est déjà négatif pour l’USD. Pour la paire USD/JPY (test: 140), l’édifice commence aussi à se craqueler. Le taux américain à 2 ans teste le plancher de 2023 à 3,55%, mais nous nous attendons à ce que la baisse se poursuive vers les 3%. Le taux américain à 10 ans (3,61%) suit la tendance de la partie courte de la courbe, mais l’amplitude du mouvement est plus faible. Bien que nous maintenions notre vision fondamentale de taux structurellement plus élevés à long terme grâce à la normalisation du taux d’intérêt réel (retour des primes de risque à mesure que la banque centrale absorbe l’excès de liquidités), l’extrémité longue de la courbe pourrait elle aussi encore s’affaisser, sous la pression de la dynamique. Pour nous, la ligne se situe à 3,26% (sommet de 2018 et plancher de 2023)/3,22% (retracement de 38% sur la hausse de 2020-2023).
Le deuxième scénario à examiner est celui de 2025. Du point de vue de la dynamique du marché, nous ne pensons pas qu’il y aura un revirement majeur par rapport au dernier trimestre de cette année. Les investisseurs portent encore des œillères, mais cela pourra changer d’ici la fin de l’année. Actuellement, les marchés monétaires américains tablent sur un taux directeur inférieur à 3% à partir du deuxième semestre de l’année prochaine. C’est-à-dire que compte tenu d’un niveau de taux neutre proche de 3,25%, le marché mise sur une politique monétaire (légèrement) stimulante dans un délai de 9 mois. Mais dans un contexte où l’inflation s’établit obstinément autour des 3% et où il est question d’une croissance plus faible plutôt que d’une récession, la Fed n’ira pas si loin. En outre, elle semble vouloir faire de ses nouvelles prévisions de taux directeur une prophétie autoréalisatrice. Le moment où le marché se rendra compte que la zone d’atterrissage se situe en fait à un niveau plus élevé sera le moment où la tendance pourrait s’inverser pour les taux américains et le dollar.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC