Fed: causerie d’avant match
De nombreuses banques centrales ont déjà devancé Powell et ses collègues. Mais ce mercredi, la Fed adoptera officiellement la nouvelle tendance monétaire. Après un cycle haussier tardivement entamé (de mars 2022 à juillet 2023; de 0%-0,25% à 5,25-5,50%) et un slogan ‘des taux plus élevés pendant plus longtemps’ scandé pendant plus d’un an, le spectre de l’inflation post-Covid n’est peut-être pas exorcisé, mais il semble bel et bien pacifié. Outre l’inflation, la Fed peut/doit désormais accorder plus d’importance au deuxième pilier de son mandat, le plein emploi. Question à 1 million: à quelle vitesse le changement doit-il s’opérer?
Le cauchemar de l’inflation étant encore bien présent dans les esprits, la première réponse ‘évidente’ était: progressivement. Néanmoins, après plusieurs rapports modestes sur les payrolls (en juin, juillet et août), des données plutôt rassurantes sur l’inflation (juin, juillet) et les commentaires de Powell à Jackson Hole, les observateurs s’attendent désormais à un départ agressif (50 pb). Après la publication la semaine dernière de taux d’inflation pour le mois d’août légèrement supérieurs aux attentes (inflation générale: 2,5% en glissement annuel; inflation de base: 3,2% en glissement annuel), le débat semblait tranché: mieux vaut commencer doucement (à 25 pb), quitte à accélérer plus tard. Vraiment? À la fin de la semaine dernière, les taux ont continué à baisser et ce, sans données supplémentaires. Qu’il faille y voir ou non la main de la Fed, plusieurs articles publiés dans la presse spécialisée (FT, WSJ) ont réveillé le débat. Pour ou contre un démarrage à 50 pb? Les deux camps ont présenté leurs arguments, mais il est frappant de constater que plusieurs ‘autorités’ proches de la Fed (comme l’ancien gouverneur de la Fed de New York William Dudley, ou encore l’ancien conseiller de Powell Jon Faust) penchent pour 50 pb. Autre élément notable, les arguments ne tournaient pas nécessairement autour des données économiques, mais plutôt autour de l’approche ‘tactique’ à adopter et du risque de perturber ou non les marchés.
Voici quelques arguments des deux camps. Pro 25: avec 50 pb, la Fed pourrait donner l’impression de s’inquiéter soudain fortement du risque d’une détérioration rapide de l’économie. Comme début août, cela pourrait provoquer une ‘panique récessionniste’. Pro 50: si la Fed est convaincue que l’inflation est plus ou moins sous contrôle et qu’elle ne veut pas continuer à refroidir le marché du travail, pourquoi attendre avant de franchir un ‘grand’ pas vers un taux plus neutre? Quoi qu’il en soit, ce taux ‘neutre’ est encore loin (3-3,5%, contre un taux directeur de 5,25-5,50% actuellement). Dans leurs nouvelles prévisions, les gouverneurs de la Fed reverront fortement à la baisse leur trajectoire de taux pour cette année (et l’année prochaine). Puisqu’on s’attend à (devoir) aller plus loin, pourquoi temporiser? D’ailleurs, maintenant que le taux de chômage évolue plus vite que prévu vers le taux considéré comme neutre par la Fed (4,2%), elle risque surtout d’agir trop tard et d’aggraver les dégâts qu’elle voulait éviter. Et si l’économie se porte bien, il est toujours possible de ralentir ou de faire une pause, tout en maintenant un taux proche du niveau neutre ou supérieur à celui-ci.
Comme nous le disions, c’est une question de tactique. Maintenant que le marché se positionne plutôt pour un relèvement à 50 pb (65%) que 25 pb, il nous semble que la Fed courrait un risque relativement élevé en allant à contre-courant de la tendance. Bien sûr, il s’agit un peu d’une politique du fait accompli ou d’un raisonnement circulaire, mais le positionnement du marché est aussi une donnée (de marché) aux yeux des banques centrales – surtout quand elles ont elles-mêmes contribué à la tendance. Qu’y aurait-il à gagner à ce stade à prendre le marché à rebrousse-poil? Nous penchons pour un démarrage à 50 pb.