La BdC dans le sillage de la Fed
Hier, nous évoquions la probabilité croissante que la Fed fasse démarrer son cycle de normalisation sur les chapeaux de roue. Le marché du travail américain serait la variable décisive (et en fin de compte, la seule). Après un rapport décevant sur les postes vacants (JOLTS), et l’œil sur la publication du rapport sur le marché de l’emploi demain, le marché monétaire américain tient compte non pas d’un seul, mais bien de deux (si pas plus) abaissements solides de 50 pb pour les réunions de politique restantes en 2024.
La Fed donnera-t-elle le la à son voisin du nord? Ce n’est pas impossible. C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre le gouverneur de la Banque du Canada (BdC), Tiff Macklem, lors la conférence de presse qui a suivi la décision de politique d’hier. Comme prévu, nous avons assisté à un nouvel abaissement de 25 pb qui a ramené le taux à 4,25%. Mais si nécessaire, des mesures plus importantes seront prises, a indiqué Macklem. La BdC joindra-t-elle le geste à la parole en octobre? L’occasion s’y prêtera (publication de nouvelles prévisions) et les bases sont posées. Après une entrée en matière prudente au mois de juin ( 25 pb), la BdC a poursuivi dans la même veine en juillet, tout en changeant cependant de ton. Les risques de baisse de la croissance ont pris le pas sur les risques de hausse de l’inflation. N’avons-nous pas déjà entendu cela quelque part? Le rythme des réductions n’a pas changé hier, mais Macklem tâte le terrain. Et pourquoi pas: le marché suivait quand même la dynamique impulsée par la Fed.
Tout comme aux États-Unis, la politique monétaire est dirigée par l’économie, ainsi que par l’inflation dans une toujours moindre mesure. La banque centrale n’a pas encore déclaré victoire sur l’inflation. En juillet, l’inflation générale et l’inflation sous-jacente sont tombées à 2,5%. En outre, la BdC a fait remarquer que la proportion de biens et de services qui affichent des hausses de prix de plus de 3% est conforme à la moyenne historique. La banque centrale ne s’attend pas à beaucoup d’obstacles sur la dernière ligne droite vers les 2%, au contraire: elle commence même à craindre de dépasser cet objectif. Ottawa souligne la faiblesse de la croissance économique sous-jacente, due à la consommation en berne des ménages. Le ralentissement du marché du travail, avec une contraction de l’emploi pendant deux mois consécutifs pour la première fois depuis la mi-2022, pourrait rendre les ménages canadiens encore plus réticents à gonfler leurs dépenses. À l’instar de la Fed, qui ne veut pas que le marché du travail s’affaiblisse davantage, la Banque du Canada préfère désormais relancer l’économie.
D’ici à la réunion de politique du 23 octobre, il y aura encore une série de publications clés, dont deux rapports sur le marché de l’emploi (le premier suivra dès demain) et sur l’inflation. Si rien dans ces rapports ne s’y oppose, un abaissement de taux de 50 pb ne devrait surprendre personne, surtout si la Fed ouvre la voie le 18 septembre. De ce fait, une réduction plus importante devrait en principe avoir un impact limité sur la devise canadienne. La réaction du marché d’hier nous conforte dans cette idée: malgré l’intervention de Macklem, l’affaiblissement du dollar américain a continué à dominer la paire USD/CAD. Si – un grand si? – la reprise cyclique attendue des matières premières (dont le pétrole) s’ensuit, la devise canadienne pourrait encore s’apprécier à terme. Le cours USD/CAD de 1,35 constitue un seuil de résistance important pour le ‘loonie’. En cas de rupture, la zone entre 1,317 et 1,322 se profile.