Pouce: la Banque nationale hongroise fait une pause tactique
En mai de l’année dernière, la Banque nationale hongroise (MNB) avait abaissé une première fois son taux d’urgence (taux de dépôt O/N, créé pour sauver le forint), de 18% à 17%. Celui-ci s’est ensuite progressivement rapproché du taux directeur officiel (13%), redevenu réalité à partir de septembre 2023. Un mois après l’autre, la banque centrale a poursuivi ses ajustements: d’abord par paliers de 75 pb, voire exceptionnellement de 100 pb. Elle a ralenti la cadence à 50 pb en avril et en mai, puis à 25 pb en juin et en juillet. Et hier, pour la première fois depuis longtemps, il a été décidé de maintenir le statu quo (6,75%).
Cette pause n’a surpris personne. Les initiés de la politique monétaire hongroise savent que trois paramètres jouent un rôle décisif: l’évolution du taux d’inflation, le taux de change du HUF (qui représente la perception du risque), et enfin, le taux directeur adopté par les poids lourds de la politique monétaire internationale. En juillet, l’inflation hongroise a inopinément accéléré de 0,7% sur une base mensuelle. En glissement annuel, le taux d’inflation (en hausse de 3,7% à 4,1%) a dépassé la limite supérieure (4%) de l’objectif de 3% pour la première fois cette année. L’inflation de base sous-jacente a augmenté de 0,6% en glissement mensuel, pour atteindre 4,7% en glissement annuel. Pour l’instant, la banque centrale attribue encore ces développements à des facteurs ponctuels, mais les risques haussiers persistent. Ceux-ci découlent notamment des anticipations inflationnistes des ménages et de la volonté des entreprises de continuer à faire monter les prix lorsqu’elles en ont la possibilité. Après un mini-krach début août, le forint a renoué avec le cap psychologique douloureux de EUR/HUF 400, qu’il avait notamment déjà atteint fin mars et début juin. À deux reprises, la MNB a ralenti le rythme du cycle d’assouplissement. Le forint ne peut pas raviver les braises de l’inflation… ni constituer à lui seul une raison de resserrer à nouveau la politique monétaire. Celle-ci se retrouve maintenant dans une phase où stabilité des prix et stabilité financière sont devenues les deux côtés de la même médaille. Enfin, il faut tenir compte de la Fed et de la BCE: toutes deux se préparent à abaisser leur taux directeur en septembre. En principe, l’assouplissement des conditions monétaires internationales est favorable aux petites devises comme le HUF. Une pause tactique en août s’impose donc comme une évidence, quitte à reprendre le processus en septembre. Hier, le forint s’est légèrement apprécié en direction de EUR/HUF 393. D’un point de vue technique, une rupture en dessous de 389 serait nécessaire pour écarter le danger.
Lors de la conférence de presse, le vice-gouverneur Virag a confirmé que le dilemme serait le même aux prochaines réunions: le statu quo ou une baisse légère? Pour l’heure, les prévisions de la banque centrale relatives au taux directeur d’ici la fin de l’année restent inchangées, à savoir entre 6,25% (notre scénario de prédilection) et 6,50%. Avec cette approche, la banque centrale résiste aussi à la pression politique. Certaines autorités souhaiteraient qu’elle adopte un cap plus propice à la croissance nationale. Encore récemment, le ministre hongrois de l’Économie Nagy, qui pourrait succéder au gouverneur de la MNB Matolcsy au début de l’année prochaine, a comparé la banque centrale à un ‘cyclope’ dont l’œil unique serait rivé sur l’inflation.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC