Changement de cap pour la Banque d’Angleterre
« Yeah but, no but… ». Une phrase légendaire souvent employée par le personnage de Vicky Pollard dans la série Little Britain. Mais celle-ci aurait tout aussi bien pu sortir de la bouche du gouverneur de la Banque d’Angleterre (BoE), Andrew Bailey, ou de l’un de ses disciples. Lors de sa réunion de politique d’hier, la banque centrale britannique a abaissé son taux directeur de 25 points de base pour la première fois dans ce cycle, à 5 %. La décision a été prise de justesse.
En juin, une majorité de 7 contre 2 avait opté pour le statu quo. Mais parmi ces sept, certains s'étaient montrés très hésitants. Et ce sont donc eux qui ont fait pencher la balance hier, avec un vote à 5 contre 4, un résultat qui reflète d'ailleurs bien les avis partagés qui règnent aussi sur le marché. Le flottement observé en juin est toujours de mise. La baisse de taux n’a donc pas été une évidence et cela se voit dans le justificatif de la décision. Chaque argument « pour » est suivi d'un argument « contre » ou d'une nuance.
Pour : l’inflation est tombée à l’objectif de 2 % en mai et s'y est maintenue en juin. Contre : les effets de base pousseront de nouveau ce chiffre en direction de 3 % au second semestre de 2024.
Pour : les mesures d’inflation sous-jacentes (hors prix de l'alimentation et de l'énergie, dans le secteur des services) continuent de se replier.
Contre : ils se situent à des niveaux supérieurs à ceux qui étaient attendus par la banque centrale en mai (et qui ne riment pas avec un retour durable à l’objectif, n.d.r.).
Pour : l’économie tournera en dessous de son potentiel à cause de la politique monétaire restrictive. Les indicateurs avancés pointent un essoufflement de la dynamique.
Contre : l’économie britannique s’est nettement mieux comportée que prévu au premier semestre, ce qui crée un point de départ plus robuste.
Pour : l’amélioration des revenus réels (corrigés de l’inflation) incite surtout les ménages britanniques à épargner davantage plutôt qu’à dépenser.
Contre : les indicateurs de sentiment montrent que les ménages sont davantage prêts à envisager de gros achats (une voiture par exemple) et sont donc de plus en plus confiants.
Et nous pourrions encore écrire beaucoup d'autres choses à ce sujet. Trois autres arguments ont selon nous aussi joué un rôle important : les élections sont derrière nous, l’incertitude autour de la toute puissante Fed s'est atténuée et la BoE disposait de nouvelles prévisions. À propos de ce dernier point, nous retiendrons surtout que, sur la base des prévisions de taux du marché (deux baisses en 2024, +/- 3 en 2025, 1-2 en 2026), l’inflation devrait s'élever à seulement 1,5 % à la fin de l’horizon. La forte correction généralisée des taux a entre-temps eu une incidence. Bailey a refusé de conforter le marché de quelque manière que ce soit. Pour l’instant, la seule conclusion est que la politique peut désormais être un peu moins restrictive. Quant à savoir ce que cela signifie à court terme, le gouverneur est resté volontairement vague. Ce sont les données qui décideront. Ce refrain nous est familier : la stratégie est similaire à celle de la BCE. La BoE a réussi à ne pas créer involontairement des attentes élevées avec sa baisse de taux. En témoigne la faible volatilité des taux britanniques et de la livre sterling après l’annonce de la décision et la conférence de presse. Malheureusement pour Threadneedle Street, le Royaume-Uni n’est pas une île financière. Il n'échappe pas aux puissantes forces du marché qui influencent les taux d'intérêt mondiaux (surtout américains), les marchés boursiers et toutes les monnaies présentant un soupçon de risque (et donc aussi la livre sterling). Maintenant que la BoE est sur le même pied que la BCE, c'est ce sentiment général qui est devenu le facteur le plus déterminant pour la livre. Le cours EUR/GBP teste le niveau de 0,85. Une rupture ouvrirait la voie à un retour dans la fourchette latérale de 0,85/0,87 en vigueur entre mi-2023 et mi-2024.