Coup de pouce des taux pour le yen
La banque centrale du Japon (BoJ) s'est réunie ce matin (heure de Bruxelles). Cette réunion était l'une de celles dont l'issue était la plus incertaine cette semaine. Sur la table de discussion se trouvaient soit le statu quo soit un relèvement de taux. Les responsables ont opté pour le second choix.
La BoJ a relevé son taux directeur d’une zone cible de 0-0,1 % à « environ » 0,25 %. Ce faisant, la banque centrale a surpris au moins une partie du marché et des analystes. Le principal argument invoqué pour ne pas augmenter les taux aujourd’hui était la faiblesse de la consommation privée, qui ne parvient pour le moment pas à jouer un rôle de moteur au niveau de l’inflation. De plus, la récente correction à la baisse du cours USD/JPY avait permis d'atténuer un peu la pression. Mais le yen japonais se négocie toujours à des niveaux historiquement bas. Pour le gouverneur Ueda, c’était l’une des raisons de passer à l’action. Avec un yen (trop) faible, l’inflation risque de s’écarter des prévisions, comme cela a été expliqué pendant la conférence de presse. Les prévisions actualisées pointent une inflation à 2,5 % pour l’exercice fiscal en cours (clos en avril 2025) et à 2,1 % et 1,9 % pour les années suivantes. La banque centrale se montre donc plus optimiste qu'en avril quant à un retour durable à 2 %. Pour le reste, le raisonnement sous-tendant ce deuxième relèvement (premier en mars) est simple. Les derniers chiffres ont plus ou moins confirmé les prévisions et si cela reste le cas, les taux pourront encore être rehaussés. Pour Ueda, on pourrait même aller au-delà de 0,5 % - plus ou moins l'équivalent du taux neutre estimé. Tokyo constate que les (fortes) augmentations salariales deviennent la norme dans un nombre croissant de régions, d’entreprises de toutes tailles et de secteurs. La BoJ espère que cela finira par relancer la consommation, qui reste décevante à l'heure actuelle.
Dans un même temps, la décision d'aujourd'hui ne doit pas être prise pour plus qu'elle n'est. Le relèvement de +/- 15 points de base n’a rien d'un tremblement de terre. La politique monétaire demeure d'ailleurs extrêmement accommodante, via un taux réel (corrigé de l’inflation) négatif. Et cela restera encore le cas, même avec de (petites) hausses supplémentaires. Les concepts de progressivité et de dépendance vis-à-vis des données ont également fait leur entrée dans le jargon monétaire japonais.
La Banque du Japon a par ailleurs révélé au monde comment elle allait réduire progressivement son programme d’achat d’obligations. Chaque trimestre, elle réduira ses volumes d'achats mensuels, actuellement de 6 000 milliards (+/- 35 milliards d'euros), de 400 milliards. D’ici avril 2026, le bilan de la banque centrale aura diminué d’environ 7 à 8 % par rapport à son pic (600 000 milliards de yens) et cette dernière décidera de la suite des événements en fonction des résultats de l’évaluation intermédiaire qui sera effectuée en juin 2025. Le rythme du démantèlement est un peu moins rapide que celui auquel s'attendait le marché, ce qui explique les hésitations initiales du yen, malgré un soutien des taux de plus de 7 points de base. Mais avec la bénédiction donnée par Ueda lors de la conférence de presse, le cours USD/JPY s'est tout de même replié. Si le mouvement de +/- 162 vers 152 était auparavant surtout dû à la faiblesse du dollar, c'est désormais la vigueur du yen qui joue le rôle le plus important. La paire de devises a testé le seuil de 150 pour la première fois depuis mars. Le différentiel de taux avec la Fed demeure cependant toujours très important (et donc défavorable au yen), même après aujourd'hui.La BoJ a donc provisoirement fait sa part du travail. Désormais, tous les yeux sont tournés vers la banque centrale américaine. Le président de la Fed, Jerome Powell, va-t-il ouvrir la porte à un premier abaissement des taux tout à l'heure ?