The Great American Labour Market
Aux États-Unis, la frénésie autour de l’éclipse totale du soleil a commencé dès le petit matin. Il faudra pourtant attendre jusqu’à 18 h chez nous pour obtenir les premières images de ce spectacle astronomique, ce qui nous laisse plus qu’assez de temps pour oublier encore un peu ‘The Great American Eclipse’ au profit de ‘The Great American Labour Market’. Un sujet certes moins exotique, mais au moins aussi historique.
Le marché du travail aux États-Unis se porte à merveille. C’est ce qui ressort du rapport publié vendredi dernier: 303 000 emplois se sont ajoutés, dépassant les prévisions les plus ambitieuses. La moyenne trimestrielle pour le T1 atteint sans peine la barre des 300 000 emplois. Les salaires ont progressé de 0,3% sur une base mensuelle (et de 4,1% en glissement annuel), ce qui est le signe indéniable d’une inflation dans le secteur des services. Les frais de personnel ont un impact disproportionné à cet égard, tandis que la pression sur les prix stagne depuis des mois autour des 5%. Le taux de chômage est tombé de 3,9% à 3,8%, malgré le nombre croissant de personnes disponibles sur le marché du travail. À 62,7%, le taux de participation se rapproche ainsi de son sommet post-pandémique. La base de calcul provient d’une enquête distincte, qui établit en outre une estimation propre du taux de croissance de l’emploi. Après quelques mois d’anomalies, un rattrapage accéléré a suivi en mars (+ 498 000 unités). De ce fait, les analystes qui considéraient les résultats de janvier ( 31 000) et février ( 184 000) comme de premiers signes de faiblesse pourraient revoir leur copie.
Si cet excellent rapport a ébloui les marchés financiers? De nouveaux sommets annuels ont été atteints sur toutes les échéances et la dynamique se poursuit ce matin. Le taux à deux ans a grimpé de plus de 13 pb, rompant le niveau de résistance de la moyenne mobile à 200 jours. Après avoir gagné environ 10 pb vendredi, le taux de référence à 10 ans s’ouvre ce matin au-delà du seuil de résistance à 4,40% (retracement de 50% sur la correction du T4 2023). Autant le marché est persuadé de la bonne forme de l’économie américaine, autant il doute de la réaction de la Fed: une nouvelle fois, le calendrier du début de l’assouplissement monétaire est en train de bouger. Le démarrage tant attendu en juillet sera-t-il un faux départ? C’est possible… À en croire certains gouverneurs (comme Bowman), un premier abaissement n’aura lieu que lorsque l’inflation recommencera à ralentir. Or les indicateurs sous-jacents ne suggèrent pas encore d’évolution en ce sens et après quelques mois de stagnation, l’inflation globale semble sur le point d’amorcer une hausse. Nous serons fixés mercredi prochain. Du fait de la faible base de comparaison de mars 2023 (0,1% en glissement mensuel), la hausse des prix attendue de 0,3% en glissement mensuel pour mars 2024 porterait le taux annuel de 3,2% à 3,4%. Un tel résultat en glissement mensuel ne nous paraîtrait même pas exagéré. Et si c’était un peu plus? D’après les mouvements de vendredi dernier et d’aujourd’hui, ce scénario surtout serait susceptible d’entraîner une nouvelle réaction des marchés. La courbe à court terme profitera du soutien des anticipations d’un nouveau report des abaissements de taux. Nous pouvons ainsi tout doucement commencer à surveiller le cap symbolique des 5% pour le taux à deux ans. Sur la partie longue de la courbe, les primes de risque d’inflation (… structurellement plus élevée?!) pourraient jouer un rôle clé. À ce niveau, le point de référence technique suivant se situe à 4,54%.