Des chocs d’offre soutiennent l’économie américaine
La vigueur du marché du travail américain ne cesse de surprendre les observateurs. En janvier, le nombre d’emplois a augmenté de 353 000, soit près du double du consensus du marché. De plus, la croissance des deux derniers mois de 2023 a été revue à la hausse de 126 000 unités. Quant au taux de chômage, il se maintient au faible niveau de 3,7%. La tension sur le marché du travail s’est également reflétée dans les chiffres de croissance salariale de janvier: elle atteint +0,6% en base mensuelle et +4,5% en glissement annuel.
L’inflation reste faible
L’on pourrait s’attendre à ce que la pénurie persistante sur le marché du travail entraîne une résurgence de l’inflation. Mais pour l’instant, c’est tout le contraire: ces 6 derniers mois, l’inflation PCE (l’indicateur le plus important pour la Fed) a progressé de 2% en base annuelle, ce qui correspond exactement à son objectif. Comment expliquer cela?
La productivité du travail apporte un premier élément de réponse. Au T4 2023, elle a augmenté de 2,7% par rapport au T4 2022, un revirement marqué par rapport au taux négatif de l’année précédente. Grâce à cette belle évolution, les coûts de main-d’œuvre par unité de production sont restés sous contrôle (+2,3% en glissement annuel), ce qui a un impact positif sur le taux d’inflation. Mais à quoi est due cette forte hausse de la productivité? L’on peut citer l’assouplissement de la chaîne d’approvisionnement (un phénomène temporaire), ou encore les derniers développements en matière d’IA: à cet égard, les entreprises américaines (et particulièrement les ‘Magnificent 7‘: Meta, Amazon, Apple, Alphabet, Microsoft, Tesla, Nvidia) ont une longueur d’avance. Cependant, il est difficile de dire dans quelle mesure le taux de productivité en bénéficie à ce stade.
Une autre explication peut résider dans la hausse des flux migratoires. Celle-ci est due à l’instabilité croissante en Amérique du Sud, mais aussi à la quasi-certitude pour les migrants de trouver du travail (voir graphique). En effet, il y a toujours près de deux fois plus de postes vacants que de demandeurs d’emploi sur le marché du travail américain. Ainsi, les flux migratoires ont déjà fait diminuer le nombre de postes vacants (de -19,6% en glissement annuel). Ils tempèrent aussi le nombre de métiers en pénurie et la croissance salariale.
Vers le scénario ‘Boucles d’or’ en 2024?
Ces deux chocs d’offre positifs continueront-ils à faire effet en 2024? Avec la situation dans le canal de Suez et la sécheresse dans le canal de Panama, des chocs d’offre négatifs se profilent. C’est aussi une année électorale et le président Biden s’efforcera de contrôler plus étroitement les flux migratoires. Enfin, l’impact à moyen terme de l’IA sur la croissance de la productivité du travail est loin d’être clair. Notons aussi un signe de faiblesse dans le rapport sur le marché de l’emploi: en janvier, la moyenne des heures de travail hebdomadaires est tombée de 34,3 à 34,1, ce qui aura un impact négatif sur la capacité de production. Le fameux scénario ‘Boucles d’or’ (forte croissance, inflation faible) n’est donc pas couru d’avance pour 2024.