La BCE fait les comptes
La réintroduction par la Commission européenne des procédures à l’encontre des pays affichant de mauvaises finances publiques a été largement commentée la semaine dernière. Ces dernières années, la Commission avait suspendu ses procédures pour cause de situations exceptionnelles (pandémie, invasion de l'Ukraine par la Russie et crise énergétique). Les gouvernements ont ainsi pu déroger à l’objectif de déficit de 3 % fixé par le Traité de Maastricht. Sept États membres de l’UE (dont la Belgique, la France et l’Italie) ont dépassé ce seuil et devront soumettre un plan d’assainissement spécifique en septembre. Vendredi, la Commission a déjà avancé quelques suggestions.
Une étude de la BCE sur les enjeux de politique budgétaire dans la zone euro à long terme (2070) est en revanche passée un peu plus inaperçue. Voici un petit tour d'horizon pour la Belgique.
· Effort en vue de combler le déficit budgétaire structurel (primaire) (solde hors charges d’intérêts sur la dette) et maintenir le taux d’endettement constant (105,2 % du PIB) : 2,5 % du PIB par an.
· Réduction de la dette publique des niveaux actuels vers ceux des critères de Maastricht (60 % du PIB) : effort supplémentaire de 1 % du PIB.
· Augmentation des frais liés au vieillissement (pensions, soins de santé...) : 2 % du PIB.
· Fin du « dividende de la paix » suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et donc augmentation des dépenses en matière de défense : 1 % du PIB.
· Changement climatique (tant les conséquences directes des conditions météorologiques extrêmes que la transition énergétique) : 1,5 % du PIB.
· Amélioration immédiate et annuelle nécessaire de la balance primaire entre aujourd'hui et 2070 : 8 % du PIB.
· Laissés de côté pour des raisons de facilité : les coûts liés à la numérisation, à l’infrastructure et à l'effet boule de neige des taux.
Au cours de cet été très chargé en événements sportifs, la Belgique a déjà remporté une première médaille auprès de la BCE : le bronze derrière la Slovaquie et l’Espagne. L’effort moyen pour la zone euro s’élève à 5 % du PIB. Voyez par vous-même dans quelle mesure de tels excédents budgétaires primaires seront réalisables. Vous connaissez déjà notre opinion et ses conséquences sur les taux à long terme. En l’absence de ce grand consommateur d’obligations insensible aux cours, nous nous attendons dans un premier temps à des primes de risque (de crédit) et des taux longs structurellement plus élevés. À terme, la poursuite du développement d’un marché obligataire européen unifié offrira une issue. Les graines de celui-ci ont été semées avec le financement des plans de relance européens liés au Covid.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC