Le coronavirus grippe le moteur de l'industrie automobile
Le mois de janvier est depuis toujours le mois où se déroule la grand-messe du secteur automobile belge. Mais à cause du coronavirus, cela fait deux années d'affilée que le Salon de l’Auto est annulé. Cette 99e édition aura donc lieu chez les concessionnaires. La pandémie a également eu un impact sur les chiffres des ventes au cours de ces deux dernières années. Les immatriculations de voitures neuves ont diminué en Belgique de 21,8 % en 2020 et de 11,2 % en 2021. Les ventes sont ainsi tombées à leur niveau le plus bas depuis le milieu des années 90. Et la situation ne s'est toujours pas améliorée en 2022 : au premier mois de l'année, les nouvelles immatriculations ont encore reculé de 7,6 % par rapport à janvier 2021.
Cette baisse des ventes a de quoi surprendre compte tenu de la forte reprise de la croissance économique en 2021. Généralement, les ventes de voitures sont étroitement liées à la confiance des consommateurs. Or, celle-ci s'est améliorée en 2021 et a même atteint des niveaux supérieurs à ceux d’avant la crise. Cette combinaison d’une forte progression de la confiance des consommateurs et d’une forte baisse des ventes de voitures n'avait encore jamais été observée au cours de ces dernières décennies.
Pénurie de puces
Le malaise ne se limite pas à la Belgique. Selon l'Association des constructeurs européens d'automobiles ACEA, les immatriculations dans la zone euro en 2021 ont chuté de 27,8 % par rapport à la dernière année "normale" de 2019. Les principaux marchés que sont l'Allemagne, la France, l'Italie et l'Espagne affichent des reculs de 28,9 %, 26,6 %, 25,1 % et 32,7 %. Le fait que ces chiffres soient comparables est dû au fait que les raisons de ces baisses sont également les mêmes. Au début de la pandémie en 2020, les confinements, pendant lesquels les showrooms ont dû longtemps fermer leurs portes, ont lourdement pesé sur les ventes. Les incertitudes financières des consommateurs ont également eu un impact en 2020.
Dans une phase ultérieure, les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement, qui ont allongé les délais de livraison des véhicules, ont aussi pesé dans la balance. Dans ce contexte, il est frappant de constater que le marché de l'occasion a mieux résisté. L'industrie est aussi confrontée à une pénurie de semi-conducteurs (puces). Lors des premiers confinements, en mars 2020, de nombreuses usines ont annulé une partie de leurs commandes de semi-conducteurs par crainte d’une baisse des ventes. Lorsque le secteur automobile a recommencé à commander des puces, une partie de la capacité de production avait été absorbée par d’autres secteurs misant sur un accroissement de la demande, comme celui des fabricants d’ordinateurs et de consoles de jeux.
Stagnation structurelle
D'après les constructeurs automobiles, les pénuries de puces électroniques persisteront encore un peu en 2022. D’autres facteurs pourraient également perturber le marché automobile – temporairement ou de manière structurelle. Ainsi, de nombreuses personnes attendent encore avant d’acheter parce qu’elles ne savent pas quelle source d’énergie choisir ou parce que les voitures électriques sont encore chères. On peut aussi se demander si le coronavirus n'aura pas un effet durable sur la mobilité et le fait de posséder une voiture, notamment via l'instauration plus structurelle du télétravail. D’autres changements dans les comportements en matière de mobilité – nous pensons, par exemple, à l’émergence des voitures partagées – influencent également le fait de posséder une voiture, lequel approche d’ailleurs d’un point de saturation. La Belgique fait partie des pays avec la plus grande densité de véhicules au monde. Cela signifie que les ventes seront surtout portées par la demande de remplacementdans les années à venir.
Johan Van Gompel, Senior Economist KBC Group