La livre s'essouffle
La livre sterling manque d'entrain depuis quelques semaines. Le principal mouvement du cours EUR/GBP observé depuis le début de 2022 est à mettre à l’actif de l’euro, après le changement de discours de la BCE en début février. Depuis, plus rien à signaler, de nouveau sous l’impulsion de la monnaie unique. Le cours EUR/GBP est retombé dans une bande étroite située entre 0,83 et 0,84.
La léthargie de la livre n’est en tout cas pas due au calendrier économique. À la fin de la semaine dernière, la parution des chiffres de la croissance britanniques ont marqué le coup d’envoi de toute une série de publications qui dureront jusqu’à la fin de cette semaine. Au quatrième trimestre de l’année dernière, le PIB a grimpé de 1 % en glissement trimestriel, soit plus ou moins comme prévu. Le mois de décembre s’est un peu terminé en mode mineur à cause d'omicron, mais l'impact de celui-ci sur le secteur des services s'est finalement avéré moins grave que prévu. Sur l'ensemble de l'année 2021, l'économie britannique a progressé de 7,5 %, son taux de croissance le plus élevé depuis la seconde guerre mondiale et plus que le taux de 7,3 % inscrit dans les livres de la Banque d’Angleterre. Le marché de l'emploi se porte bien. Selon le rapport paru lundi dernier, 108 000 nouveaux postes ont été créés en janvier. Par rapport à février 2020, le nombre de personnes au travail a augmenté de plus de 403 000. Le taux de chômage s’est stabilisé à 4,1 % en décembre. À la fin de l’année dernière, les salaires ont augmenté de 3,7 % à 4,3 % selon le baromètre utilisé. Une belle progression, mais malheureusement insuffisante pour compenser la flambée des prix. En janvier, l’inflation (chiffres publiés hier) s’est une nouvelle fois accélérée plus que prévu, en direction d’un nouveau record sur trente ans, de 5,4 % à 5,5 %. L’inflation de base a atteint 4,4 %.
Et cette inflation nous amène à la Banque d'Angleterre (BoE) et à une cause possible de l'apathie de la livre. La banque centrale britannique a été la première dans les économies avancées à prendre des mesures pour lutter contre l’inflation. Elle a ainsi relevé une première fois son taux directeur à 0,25 % en décembre, pour ensuite procéder à un second resserrement à 0,50 % début février. La BoE a cependant toujours indiqué que le pic du taux directeur ne serait pas trop élevé et pas trop éloigné dans le temps. Avant la réunion de février, le marché hésitait entre 1,50 % et 1,75 % à la mi-2023. Mais lorsque la BoE a intégré ce scénario dans ses modèles au début du mois, elle tablait encore sur une inflation supérieure à l’objectif de 2 % en 2023. Le marché monétaire a alors réagi en avançant le calendrier des resserrements et en revoyant à la hausse le plafond du taux directeur. Depuis la semaine dernière, il situe le plafond à un peu plus de 2 % au début de 2023. D'ici là, il table même sur un relèvement de 50 points de base pour mai ou juin. Si l’inflation descend effectivement en direction de l’objectif, le Royaume-Uni sera l’un des premiers "grands" à dire au revoir à un taux directeur réel négatif.
C’est ce positionnement agressif qui provoque provisoirement l'immobilisme de la devise britannique. La livre ne devra plus compter sur beaucoup de soutien supplémentaire de la part des taux. L’impact de chiffres de croissance, d’emploi et d’inflation plus que solides sur la politique monétaire attendue est actuellement intégré. Le plongeon du taux à deux ans britannique (-13 points de base), suite à la pression plus forte que prévu sur les prix annoncée hier, en dit long, même si cela s'explique en partie par le contexte de risque négatif. Le taux a d’ailleurs encore cédé 6 points de base aujourd’hui. L’euro ne profite pour le moment pas encore vraiment du déclin de la livre. Pour cela, il faudra d'abord que la BCE traduise concrètement son changement de ton dans ses prévisions de taux. Première date à entourer : le 10 mars.