Le chien de garde européen met en garde contre les risques systémiques sur les marchés immobiliers
Le Comité européen du risque systémique (CERS): c’est le nom de l’institution (macroprudentielle) européenne qui veille à la stabilité financière au sein de l’Espace économique européen. Il s’agit d’ailleurs plutôt d’un comité que d’une institution, car la surveillance macroprudentielle est en premier lieu une compétence nationale en Europe. Le comité rassemble toutes les autorités de contrôle nationales compétentes, ainsi que les autorités européennes de surveillance (AES), la BCE et la Commission européenne. La Belgique y est représentée par la BNB et la FSMA.
La gâchette facile?
Le CERS joue un rôle principalement consultatif. Les “armes” à sa disposition: la publication d’avertissements et de recommandations non contraignants vis-à-vis des États membres. Elle les manie avec zèle, surtout en ce qui concerne les marchés immobiliers résidentiels. Vu l’importance du marché immobilier pour le secteur financier et l’économie réelle, ces marchés peuvent en effet être à la source de risques systémiques, comme l’a clairement démontré la crise financière. Ayant déjà formulé des avertissements (y compris à l’adresse de la Belgique) à propos de la vulnérabilité accrue des marchés immobiliers européens en 2016, puis une série plus formelle de “recommandations aux États membres” en 2019 (à nouveau envers la Belgique aussi), le CERS a publié un nouveau rapport la semaine dernière.
Des vulnérabilités accrues
Selon le CERS, les vulnérabilités de la plupart des marchés immobiliers européens augmentent sensiblement. Les prix de l’immobilier augmentent à un rythme record (une croissance supérieure à 10% n’est pas rare) et entraînent une surévaluation croissante. De même, les crédits hypothécaires augmentent de manière soutenue. De ce fait, l’endettement des ménages ne cesse de croître. Tout cela s’inscrit en outre dans un contexte de resserrement imminent de la politique monétaire européenne dans l’année à venir. Le CERS n’allait donc pas tarder à émettre de nouveaux avertissements et de nouvelles recommandations et cette fois-ci, l’Allemagne et l’Autriche sont les premières exhortées à prendre des mesures supplémentaires. Mais avant de crier au loup, soulignons que le CERS – ainsi que la BCE – ne pointent ces vulnérabilités qu’à moyen terme. Autrement dit, ils n’annoncent pas (encore) de krach immobilier imminent.
La caravane passe?
Le CERS a également évalué la politique macroprudentielle qui a été menée ces dernières années. Bien qu’il y ait eu un relâchement pendant la crise du coronavirus, le CERS se montre à nouveau beaucoup plus ferme, en se concentrant notamment sur les risques flux de liquidité sur le marché immobilier. Il voit d’un bon œil la limitation des risques au niveau des nouveaux octrois de crédit. Les pays comme la Belgique, qui ont déjà imposé ou recommandé des limites de prélèvement et d’emprunt (via une approche loan-to-value et/ou des plafonds pour les charges de remboursement) sont encouragés à poursuivre dans cette voie. D’autres pays, comme l’Allemagne et l’Autriche, sont encouragés à prendre des mesures en ce sens. Reste à savoir si cela suffira à enrayer la dynamique immobilière actuelle… quoi qu’il en soit, la ligne de politique macroprudentielle stricte pour les marchés immobiliers européens sera certainement maintenue pour l’avenir immédiat.