Franc suisse : taux bas, devise forte
L’économie suisse a progressé de 0,3 % en glissement trimestriel au troisième trimestre, après une révision à la baisse du taux pour le deuxième trimeste à -0,1 %. Les chiffres trimestriels ne disent pas tout, mais outre une croissance (modeste) de la consommation privée (+0,2 % en glissement trimestriel) et des dépenses publiques (+0,5 %), les exportations nettes ont de nouveau aussi apporté une contribution positive. La vigueur du franc constitue ici rarement un obstacle. Vous trouverez ci-dessous quelques réflexions à propos de la politique monétaire et politique de change de la Suisse.
La banque centrale suisse (BNS) est l’une des dernières représentantes d'une vieille tradition ayant pour modèle l’ancienne Bundesbank. La philosophie de la SNB va à contre-courant de l’idée générale selon laquelle une monnaie faible contribue à la croissance et aux exportations. Si les coûts intérieurs sont mieux maîtrisés que chez les concurrents et que les augmentations salariales suivent la croissance de la productivité, il n'y a aucun problème à ce que votre devise affiche une tendance haussière. Cela n’affecte en rien votre compétitivité. Et ce n'est pas tout. L’amélioration structurelle des termes de l'échange profite également au pouvoir d’achat. L’inflation importée reste faible. Jusqu’avant le coronavirus, une inflation aussi faible était généralement considérée comme négative. L’expérience suisse de ces trois dernières années montre autre chose. La hausse tendancielle du franc a tempéré l’inflation importée. À titre d’illustration : après avoir brièvement grimpé à 3,5 % l’année dernière, l’inflation suisse est aujourd'hui retombée à 1,7 %. La BNS situe également la stabilité des prix entre 0 et 2 %. Pour parvenir à ce résultat, la SNB a relevé son taux directeur de -0,75 % à 1,75 %. Aucun exemple ne nous vient directement à l'esprit d'un autre pays qui, dans le cycle monétaire actuel, s'en est sorti avec un relèvement de taux de 2,5 % pour ramener l’inflation dans la zone cible. Un taux réel limité suffit pour garder le franc fort. Un bel exemple des avantages de l’ancrage des anticipations d'inflation. La SNB prévient néamoins qu’elle pourrait continuer à relever les taux si nécessaire et qu'elle interviendra si le franc s’affaiblit trop fortement. Comme vous le savez, cela pourrait stimuler l’inflation (importé) ! La conclusion reste limpide : le franc suisse est et reste une monnaie orientée à la hausse.
Tout est naturellement relatif. Plusieurs indicateurs du pouvoir d’achat de la monnaie montrent que le franc est plutôt surévalué aux niveaux actuels. Depuis le début de la dernière tendance haussière début 2018, la monnaie suisse a pris environ 25 % par rapport à l’euro. Outre les facteurs purement économiques, cette appréciation est également due à des facteurs tels que le sentiment vis-à-vis du risque. Pour vraiment jouer un rôle de valeur refuge au niveau mondial, le franc est trop petit et trop peu liquide. Si la monnaie suisse a encore un rôle à jouer en tant que valeur refuge temporaire, c’est probablement surtout lors des périodes de tensions monétaires internes au sein de l’UEM, comme par exemple en cas de creusement des spreads intra-UEM (ex. : Italie). Ce thème pourrait de nouveau être d"actualité si la BCE décide de réduire son portefeuille d’obligations PEPP l’année prochaine. À court terme, la paire EUR/CHF pourrait encore évoluer un moment entre 0,94 et la parité. La BNS est vraisemblablement prête à voir le cours dans le haut de cette fourchette. Dans un contexte de faible croissance et d’inflation sous contrôle, la SNB n’a pas non plus besoin d’un cours inférieur aux planchers de cette année et de l’année dernière (EUR/CHF 0,94). Ces derniers jours, nous avons toutefois constaté que le franc a profité de la forte baisse des taux (réels) dans les grands pays. Peut-être que la SNB sera-t-elle encore bien placée l’année prochaine pour abaisser relativement rapidement ses taux, malgré la faiblesse des taux d’intérêt absolus/réels.