Les devises d'Europe centrale survivent à une première tempête
Mercredi, le président de la Fed, Jerome Powell, a annoncé en des termes on ne peut plus clairs que la Fed mettait un terme à sa politique ultra accommodante. Cette décision a des conséquences sur tous les marchés, même en dehors des États-Unis. Cette politique ultra souple a/a eu notamment pour conséquence des taux réels (taux d’intérêt moins inflation) fortement négatifs, notamment sous l'effet des achats d’obligations réalisés dans le cadre des programmes QE. En théorie, cela rend les actifs à risque comme les devises de plus petite taille présentant un profil de risque moins solide (et donc un rendement plus élevé) plus intéressants. L’honnêteté impose toutefois d'ajouter que les politiques monétaires menées dans les pays émergents ou, par exemple, dans les pays d'Europe centrale ont en grande partie été copiées sur les stratégies de croissance agressives de la BCE et de la Fed. Résultat, les primes de risque sont souvent restées modestes et les devises n'en ont guère profité (p. ex. forint, zloty). La mise en œuvre d'une politique anti-inflation plus dure par la Fed a pour effet de faire grimper les taux réels et place la barre plus haut pour les devises de ces économies émergentes/convergeantes.
Un coup d'œil sur les cours d'hier montre, par exemple, que les devises d’Europe centrale (CZK, HUF, PLN) ont pu limiter les dégâts. Elles ont certes perdu du terrain par rapport à un dollar très fort, mais elles ont repris du poil de la bête vis-à-vis de l’euro, qui, il faut l’avouer, demeure extrêmement pâle. Pour l’instant, la logique monétaire est respectée. La Tchéquie, la Hongrie et, dans une moindre mesure, la Pologne avaient, sous la pression ou non du marché, déjà changé leur fusil d’épaule afin d’éviter qu’une dépréciation de la devise ne déclenche une spirale inflationniste qui s'auto-alimente. Il a fallu un peu de temps pour que la hausse des taux convainque le marché (des changes), mais le forint hongrois, la couronne tchèque et le zloty polonais ont finalement profité de la politique anti-inflation et donc de la perspective d’une hausse des taux réels locaux. Les gains réalisés hier (par rapport à l’euro) suggèrent que ces pays ont gagné en crédibilité sur le plan monétaire. Il faudra du temps avant que l’Europe et les États-Unis n'affichent des taux réels positifs. Ceux-ci pourraient résulter d’une inflation plus faible et/ou d’un taux directeur plus élevé. Un redressement rapide des taux réels dans les grandes économies pourrait cependant contraindre les pays d'Europe centrale à maintenir des taux élevés plus longtemps qu’espéré en s'attaquant à l’inflation de façon anticipée et énergique. Quoi qu’il en soit, ils ont survécu à la première bataille. Mais la guerre monétaire n’est pas terminée.
Parlant de crédibilité, la banque centrale hongroise (MNB) a franchi de nouvelles étapes dans sa politique anti-inflation ce mardi. La MNB a relevé son taux directeur et son taux d’emprunt de 50 points de base à respectivement 2,90 % et 4,90 %. Ces taux forment le corridor pour le taux de dépôt hebdomadaire avec lequel la MNB a agi pour, entre autres, compenser les conséquences d’un forint trop faible à court terme. La MNB a toutefois franchi un pas supplémentaire. L’inflation n’est plus uniquement la conséquence de facteurs externes, mais elle est aussi due à une forte croissance intérieure, avec notamment des pénuries sur le marché du travail et des salaires plus élevés. C’est la raison pour laquelle la MNB laisse le taux directeur progressivement converger vers le taux de dépôt hebdomadaire. Ce dernier a d’ailleurs été relevé hier de 4,00 % à 4,30 %. Le marché apprécie que la MNB n’axe plus sa politique avant tout sur des facteurs externes, mais qu’elle l’aligne sur la forte croissance observée dans le pays. Le forint s’est raffermi après la réunion de politique de mardi et il a encore signé une prestation relativement convaincante hier, après l'annonce de la Fed. Les taux d’intérêt dans les grandes économies et la volatilité généralisée sur le marché demeurent un facteur déterminant pour des devises comme le forint. Si cette volatilité se confirme, la devise hongroise, aidée par quelques nouveaux relèvements substantiels des taux en février et en mars, sera probablement relativement bien protégée et une poursuite de la remontée en direction de EUR/HUF 350 sera possible à court terme.