Le projet de réduction progressive du bilan de la Fed prend forme
Cette année, la banque centrale américaine met le monde en demeure. La semaine dernière, le procès-verbal de la réunion de décembre a donné le coup d’envoi d’une campagne de communication axée sur le resserrement de la politique monétaire, qui commencera par une réduction accélérée des achats nets d’obligations. Nous lisons aussi des arguments en faveur d’un début précoce du cycle de resserrement (en mars) et de davantage de relèvements des taux d’intérêt cette année (4). Enfin, la réduction du bilan pourrait être entamée rapidement (au mois de juin?). C’est ce dernier pilier que nous examinons aujourd’hui.
En achetant des obligations, la Fed fournit de l’oxygène – sous la forme de liquidités – au marché. Depuis le début de la pandémie, le total du bilan de la banque centrale américaine a doublé, atteignant environ 8 800 milliards de dollars. La vision de la Fed, sur la base des derniers événements, est que ces liquidités excédentaires sont exagérées dans le contexte économique actuel (croissance à niveau, inflation colossale, marché du travail serré). Elle propose dès lors une normalisation du bilan, même indépendamment d’un resserrement du cycle des taux, en guise d’antidote contre l’inflation. Jusqu’à présent (jusqu’à hier), les membres de la banque centrale américaine s’exprimaient plutôt en termes généraux, estimant que la réduction progressive du bilan pourrait commencer “peu de temps” après le cycle des taux.
Le président de la Fed d’Atlanta, Bostic, est le premier à présenter une proposition concrète. Si cela ne dépendait que de lui, la réduction progressive (ne plus réinvestir les moyens libérés par les obligations à l’échéance dans de nouvelles obligations) commencerait peu après le premier relèvement des taux d’intérêt et se poursuivrait à un rythme d’au moins 100 milliards de dollars par mois. Bostic estime qu’au total, le bilan peut facilement être réduit de 1 500 milliards de dollars (17% du total de l’actif) sans entraîner de contraction. Il prône dès lors une intervention rapide et agressive pour ne pas laisser passer l’occasion d’agir. Le contraste avec l’épisode de démantèlement précédent ne saurait être plus prononcé: à l’époque, la Fed avait laissé s’écouler près de deux ans entre le premier relèvement des taux d’intérêt et le début d’une réduction progressive. Elle avait commencé fin 2017 à 10 milliards de dollars par mois, pour accélérer progressivement à 50 milliards de dollars par mois et y mettre abruptement fin en été 2019. Au cours de cette opération, le total du bilan s’est contracté d’un peu plus de 600 milliards de dollars (13% du total de l’actif de l’époque).
La présidente de la Fed de Kansas City, George, a donné un autre argument en faveur de la normalisation rapide du total du bilan. Elle ne veut pas que le début du cycle des taux freine la reprise économique avec une courbe des taux plus plate. En effet, le ralentissement de la plus grande vague d’émission d’obligations d’État américaines pourrait faire se raidir à nouveau la courbe des taux. C’est aussi l’avis du marché. Depuis la semaine dernière, la tendance à l’aplanissement de la courbe des taux américaine a pris fin: le différentiel d’intérêt entre 2 et 10 ans est brièvement passé de 75 points de base à près de 90 points de base. Un mouvement récemment interrompu, car le taux à 10 ans se heurte à un niveau de résistance technique proche de 1,78% (sommet de relance de 2021). Une gare intermédiaire, pas un terminus…
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC