Le FMI exhorte les marchés émergents à agir
Hier, le Fonds monétaire international (FMI) a lancé une mise en garde claire à l’adresse des pays émergents. L’institut les encourage en effet à se préparer à la normalisation imminente de la politique monétaire de la banque centrale américaine. L’histoire montre en effet que ce processus va souvent de pair avec des turbulences économiques et financières, surtout dans les pays présentant de faibles fondamentaux comme une dette élevée, souvent financée en dollars US, et/ou une position externe instable.
La reprise robuste, tant sur le plan économique que sur le marché de l’emploi, et surtout la persistance d’une forte inflation ont entraîné un revirement de la politique monétaire américaine. La Fed va bientôt réduire drastiquement les mesures de soutien extrêmes qu'elle avait mises en place. Rien que l’anticipation de cette évolution a fait fortement grimper la courbe des taux américaine. La partie courte a ainsi gagné 70 à 80 points de base au cours de ces derniers mois. Cela renforce donc l'attrait du dollar et des alternatives d’investissement américaines (sans risque) par rapport aux pays émergents. Et les capitaux reprennent par conséquent la direction des États-Unis. Les pays émergents voient quant à eux leurs devises se déprécier et leurs coûts de financement augmenter.
Selon le FMI, cela ne constitue pas nécessairement un problème. Les effets d’un resserrement monétaire maîtrisé et faisant l'objet d'une communication claire en pleine reprise de l'économie peuvent également s'avérer positifs. Certes, les coûts de financement des pays émergents gonflent, mais la dépréciation ordonnée de leur devise améliore leur compétitivité et soutient la demande extérieure. La situation est différente lorsque la plus grande banque centrale de la planète doit, pour l’une ou l’autre raison (inflation), resserrer la vis plus rapidement que prévu. Une politique agressive engendre les mêmes flux de capitaux, mais pèse sur la demande américaine et, par extension, la demande mondiale. Les pays émergents ne bénéficient donc pas du facteur compensatoire dans ce cas de figure. Ils ont donc intérêt à prendre les précautions nécessaires vis-à-vis de ce risque non négligeable.
La défense de première ligne consiste en une normalisation de la politique fiscale et monétaire locale. Beaucoup de pays émergents ont déjà franchi ce pas en raison de la flambée de l’inflation. Nous pensons notamment à la Russie ou à de nombreux pays d’Amérique du Sud. Pourtant, le taux directeur réel, corrigé de l’inflation, est souvent encore négatif. Difficile, dans ces conditions, d'attirer les investisseurs étrangers, surtout dans cette période agitée.
Le FMI estime que les pays jouissant d’une crédibilité internationale disposeront progressivement d'une plus grande latitude. Les autres auront en revanche intérêt à agir rapidement et fermement pour instaurer un climat de confiance. Le Fonds reconnaît toutefois le dilemme auquel les pays émergents doivent faire face. La hausse des taux permet de lutter contre l’inflation et de créer une marge de stabilité. Mais elle peut aussi saper la reprise, surtout dans les pays qui, à cause d'une faible vaccination, doivent encore souvent prendre des mesures de confinement. Washington recommande de profiter du calme relatif que nous connaissons aujourd'hui pour s'attaquer aux vulnérabilités internes. Beaucoup de dettes ? Accélérer la consolidation fiscale. Beaucoup de dettes libellées en dollars US ? Se couvrir. Risques de refinancement pour les dettes à court terme ? Allonger les échéances.
Les économies émergentes ont tout intérêt à écouter le FMI. Nous nous trouvons à la veille de la fin de la plus grande expérience monétaire de l'histoire. Cela ira inévitablement de pair avec des hauts et des bas et un regain de nervosité. Or, à chaque poussée d’incertitude ou de mouvement de panique, ce sont toujours les plus faibles qui prennent les coups en premier. Le monde financier est ainsi fait...
Panier de devises des économies émergentes (indice).